Née sur les cendres de l’Institut des Peuples Noirs, la Direction de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles (DPPDEC) fait partie des quatre directions techniques de la Direction générale du patrimoine culturel. Dirigée par Madame BANGOU née KOHO Kabou Eveline, la mise en place de cette direction technique est motivée par la nécessité de la mise en œuvre et le suivi de la convention de 2005 portant protection et promotion de la diversité des expressions culturelles. De passage dans nos locaux, la première responsable de ladite structure a bien accepté de nous entretenir de long en large sur cette direction ainsi que ses missions.
Infos Culture du Faso (ICF) : En tant que première responsable, pouvez-vous nous dire ce qui a prévalu à la mise en place de cette direction ?
Madame BANGOU : D’abord je tiens à préciser que la création de cette direction technique a été matérialisée par le décret n°2011-1079/PRES/PM/MCT du 30 décembre 2011 portant organisation du ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme. Mais de façon substantielle, elle a vu le jour en remplacement à l’Institut des Peuples Noirs (IPN) ; et donc rattachée à la Direction generale du patrimoine culturel (DGPC). Et avec la ratification en 2006, de la convention de 2005 de l’UNESCO, il fallait donc une telle direction pour la mise en œuvre et le suivi de ladite convention portant protection et promotion de la diversité des expressions culturelles.
ICF : Qu’attend-on par diversité des expressions culturelles ?
Madame BANGOU : Je voudrais tout d’abord commencer par définir le terme ‘’expressions culturelles’’ qui concerne en réalité toutes sortes d’expressions qui résultent de la créativité des individus, des groupes ou des sociétés et qui a un contenu culturel. Et quand on parle de ‘diversité des expressions culturelles, c’est la multiplicité des formes par lesquelles les individus, les groupes et les sociétés expriment leur culture.
ICF : Pouvez-vous nous donner la structure de la Direction de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles ?
Madame BANGOU : Notre direction technique est essentiellement composée de deux services, notamment le service de la bibliothèque et celui du suivi et de la promotion de la diversité des expressions culturelles. Et à ce niveau, il faut dire que la direction dispose d’une bibliothèque dont le fonds documentaire est estimé à plus 1600 ouvrages. Ce sont entre autres des monographies des livres, et de périodiques. L’ensemble de ces ouvrages traitent de divers sujets tel que la littérature, le droit, la géographie, l’économie, l’histoire, et bien d’autres.
Nous disposons également de matériels, à savoir des télévisions, des vidéoprojecteurs des lecteurs DVD, des DVD composés de films africains fiction et films documentaires, des cassettes VHS vidéos et des cassettes audio ainsi que bien d’autres matériels audiovisuels. Pour ce faire, toute personne désirant se lancer dans la recherche et le bienvenue. Et c’est d’ailleurs ce que nous encourageons.
ICF : Quelles sont les missions assignées à cette direction technique ?
Madame BANGOU : Nous avons pour missions entre autres de suivre et de mettre en œuvre la convention de 2005 relative à la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles ; assurer la protection et la promotion des identités, des savoir-faire locaux et de la diversité des expressions culturelle ; contribuer à la promotion des acquis scientifiques des peuples d’Afrique, de la diaspora et des autres peuples ; organiser des cadre d‘informations et d’échanges pour une meilleure connaissance et appropriation des valeurs culturelles d’Afrique, de la diaspora et des autres peuple.
Mais de façon substantielle, je reviendrais au fait que nous ayons au sein de notre direction technique, une bibliothèque bien garnie ; par conséquent notre mission principale, c’est de promouvoir les œuvrages que nous avons auprès du public, surtout les élèves et les étudiants. Et au-delà de cela, nous avons un potentiel audiovisuel que nous utilisons pour faire des projections dans les établissements scolaires ainsi dans d’autres lieux publics. L‘objectif, c’est de permettre aux jeunes de s’interesser à leur culture, de se l’approprier et d’en être fiers.
ICF : Comme on le sait cette direction technique découle des cendres de l’IPN. En ce sens, en quoi est-ce que les deux institutions diffèrent l’une de l’autre ?
Madame BANGOU : Pour dire vrai, les deux institutions ont des missions bien différentes, en ce sens que l’IPN concerne plusieurs pays et institutions d’Afrique et du monde qui travaillent à promouvoir l‘identité noire. Ce qui diffère de notre direction technique qui a vu le jour afin de mettre en œuvre la convention de 2005 de l’UNESCO, portant protection et de promotion de la diversité des expressions culturelles. Et qui parle de diversité des expressions culturelles, parle de tout ce que le artistes créent en s’inspirant des éléments de leur patrimoine culturel.
ICF : Avec la volonté du gouvernement de faire revivre l’IPN à travers la mise en place d’un Secrétariat technique, y’a-t-il pas crainte que votre direction disparaisse ?
Madame BANGOU : Bien vrai que notre direction est venue après la disparition de l’IPN, et que nous utulisons les ressources matérielles et de cette institution, mais il n’y a pas risque de dissolution. D’abord parce que notre direction technique a été mise en place par décret, avec pour mission principale de mettre en œuvre la convention de 2005 de l’UNESCO. A cela s’ajoute la différence des tâches des deux institutions expliquée ci-haut.
ICF : Quelles sont les difficultés auxquelles fait face votre direction ?
Madame BANGOU : Pour l’atteinte des objectifs d‘une telle structure, les difficultés n’en manquent pas. Mais elles sont surtout liées à l’insuffisance des ressources financières. A cela s’ajoutent les difficultés matérielles qui se résument essentiellement à l’insuffisance des ressources matérielles informatiques pour le travail technique ; par exemple les supports audiovisuels en cassettes VHS sont en attente de numérisation par manque de matériel adéquat. Par ailleurs, la situation géographique actuelle de la direction (étroitesse des locaux et absence de supports de communication, ce qui affecte la fréquentation de la bibliothèque). A noter que ces difficultés représentent pour nous, d’énormes défis.
ICF : Vu toutes ses difficultés, quelles ont vos doléances à l’endroit des décideurs politiques ?
Madame BANGOU : Nous souhaitons que le ministère mette à la disposition de la direction les ressources financières et matérielles nécessaires à même de lui permettre de mettre en œuvre les missions qui lui sont assignées. Aussi, nous souhaitons qu’un indicateur de résultat portant sur la protection et la promotion des expressions culturelles soit ajouté à la lettre de mission du Directeur Général du Patrimoine Culturel. Et je pense que si cela est fait, cela permettrait à la direction de réaliser les activités pertinentes qui contribueront réellement à la préservation et à la valorisation de nos valeurs culturelles et de notre identité. .
En outre, nous souhaitons que les activités de notre direction technique soient prises en compte dans la rédaction du rapport quadriennal de la convention de 2005.
ICF : Quelles sont les actions menées par votre équipe ?
Madame BANGOU : Afin d’avoir une meilleure conservation des ouvrages contenus dans la bibliothèque, nous avons initié un inventaire qui a permis d’enregistrer ces œuvres en fonction des codes et des disciplines dans 9 registres physiques. Et dans la foulée, nous avons également créé un fichier numérique pour leur enregistrement numérique. Il y a aussi que cette année, nous avons pu réaliser un répertoire des expressions culturelles en voie de disparition à travers des sorties de collecte dans quatre régions du pays. Ce qui nous a permis d’identifier et documenter 40 expressions en voie de disparition dont 13 dans le Centre-Sud, 11 dans le Centre-Est, 8 dans le Plateau-Central et 8 dans le Centre-Ouest. Nous attendons continuer ainsi dans les autres régions afin d’avoir un répertoire national complet. Mais déjà ces chiffres obtenus seulement dans quatre régions laissent croire que nous sommes réellement entrain de perdre une bonne partie de notre culture. Cependant, nous prévoyons d’ores-et-déjà de réfléchir à un certain nombre de mesures pour revitaliser ces expressions culturelles, à la fin des activités.
Nous avons également pu collecter des manifestations culturelles à caractère intégrateur. Et sur les treize régions, nous nous retrouvons avec un répertoire de 338 manifestations, qui concourent à la cohésion sociale. Nous avons aussi mené des activités en collaboration avec d’autres directions à savoir la direction de la promotion des musées (DPM). En effet, en 2020, nous avons organisé une conférence avec cette direction dans le cadre d’une exposition au niveau du Musée de la musique Georges Ouédraogo avec pour thème « Identités cultuelles : focus sur le bwamu ». Cette conférence a pu regrouper des étudiants, des chercheurs d’universités, des personnes ressources de l’ethnie Bwaba. De plus, toujours dans la même année, nous avons réalisé une projection de films documentaires sur les sites culturels du Burkina Faso au musée communal de Kaya, en collaboration avec la Direction de la Conservation, de la protection et la promotion du patrimoine culturel (DCPPC).
ICF : Rencontrez-vous souvent des difficultés avec les populations lors de vos orties ?
Madame BANGOU : Bien-sûr, il arrive que lors de nos sorties sur le terrain pour la collecte des données, qu’il y ait certains problèmes avec les populations. Et nous souhaitons qu’il y ait plus de collaborations, en ce sens que nous travaillons pour la sauvegarde du patrimoine culturel
ICF : Votre mot de fin.
Madame BANGOU : Je voudrais tout d’abord vous remercier pour ce cadre qui nous est offert pour parler de notre direction technique. Aussi, je voudrais profiter pour inviter le public à venir au sein de notre direction pour consulter nos ouvrages. En fait, cela fait chaud au cœur de voir toute cette richesse culturelle rester emmagasinée sans des visiteurs pour en profiter. Et pour tous ceux qui ne le savent pas, nous sommes situés à Ouaga 2000 sur le boulevard Muhamar Khadafi. Nous sommes aussi joignables au 78 78 15 20.
Interview réalisée par Boukari OUEDRAOGO