sam 23 novembre 2024

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Chorégraphie: « je fais en moyenne cinquante représentations par an », dixit Ahmed Soura

Ahmed Soura, en plus d’être danseur chorégraphe professionnel, il est le PDG de Yongonlon production et Co-fondateur de Power Gig’Art. Il nourrit de grands projets pour le Burkina Faso en particulier et l’Afrique en général. Reçu dans nos locaux, il nous a entretenu sur ses projets ainsi que son parcours atypique dans la chorégraphie. Lisez plutôt !

Infos Culture du Faso (ICF) : D’où vous est-il venue votre passion pour la danse ?
Ahmed Soura : C’est une longue histoire… Je suis rentré dans la danse tout petit sans savoir que ce que je faisais c’était de la danse et tout parce que j’ai pris plaisir en restant enfermé à la maison les weekends. Je vivais avec mon oncle à Ouaga et quand il sortait les weekends, moi je regardais les films. C’est comme ça que j’ai découvert la danse, le break-dance, le hip hop et tellement c’était court dans un film je me suis mis avec les cassettes VHS. En vrai, je mettais en mode ralenti et là je dansais tout le film. C’est ainsi que j’ai pris goût à la danse.

ICF : Expliquez-nous vos débuts dans la danse.
Ahmed Soura : D’abord, quand j’ai décidé de faire de ma passion un métier, c’était quand j’étais en 3e ; j’ai eu mon Bepc et j’avais envie de faire la 2nd H parce que j’étais bon en mathématiques. Du coup les parents n’avaient pas les moyens de me faire poursuivre les cours et j’ai donc décidé de faire de ma passion un métier. Je me suis dit que dans tout métier, il faut se former pour pouvoir mieux s’exprimer et défendre son travail. Et c’est comme ça que je me suis mis à chercher une école de danse et je suis tombé sur l’INAFAC (Institut National de Formation Artistique et Culturelle) situé à Gounghin.
C’est que je découvre les danses traditionnelles du Burkina avec le ballet national du Burkina et plus tard c’était avec monsieur Congo Lassan qui m’a inculqué les bases du corps, les modem jazz, les classiques et certains codes de la danse faits par certaines personnes connues comme Martha Graham, Merce Cunningham. Mais j’étais sûr de moi que je ne voulais pas devenir un danseur traditionnel et ça c’était sûr parce que j’avais vraiment ce préssentiment-là de créer, toujours innover. J’étais toujours en compétition contre moi-même et par conséquent, je voulais toujours me surpasser.
Pour le début de ma carrière, les choses se sont enchainées en fait cause- effet.
Je prends une formation de danse afro contemporaine au festival Dialogue de corps en 2004 ; et je rencontre comme ça une portugaise et une française qui souhaitaient travailler avec moi en France, mais je les avais même oubliés. Et donc en 2006, pendant que j’étais à la fin de ma formation à l’INAFAC, on me parle d’un échange culturel en France. Et c’est comme ça que je découvre un projet en France à Montpellier et je me suis mis a créer avec eux dans des prestations. A la sortie de mon école, je n’ai pas chômé parce que je quitte en France je viens terminer mon année scolaire à l’INAFAC qui normalement finalise avec un CAP (Certificat d’aptitude professionnel) en danse et je repars en France. Je reviens, Irène Tassembedo fait une audition chez le Kamsonghin Naaba. Là-bas, je fais l’audition et je suis retenu pour une reprise de rôle du spectacle « Souffle » et c’est comme ça je rentre directement dans la compagnie d’Irène et je commence à tourner en Europe.

ICF : Est-ce que l’art nourrit son homme au Burkina Faso ?
Ahmed Soura : L’art, je ne vais pas généraliser parce qu’il y a des plasticiens qui vivent largement de leur métier et ils font notre fierté. Ils ont leur propre espace et il y a des conteurs aussi qui ont construit des choses. Il y a également des chorégraphes qui ont leurs propres espaces. Aussi, nous avons même des musiciens qui se font des millions. Selon moi, pour que le métier puisse nourrir son homme, il faut beaucoup de travail donc je dirais que tout art nourrit son homme pour ceux-là qui se battent.

ICF : Vous totalisez combien d’années de carrière ?
Ahmed Soura : De 2007 à aujourd’hui, ça fait 14 ans de carrière. Et durant tout ce temps, j’ai parcouru trois continents (l’Afrique, l’Europe et l’Amérique) et fait en moyenne 50 représentation par an.

ICF : Quel bilan pouvez-vous faire de votre carrière ?
Ahmed Soura : Pour moi, c’est un bilan à mi-parcours… J’aimerais que ma passion puisse profiter à d’autres personnes partout dans le monde. Aujourd’hui, je suis danseur et entrepreneur culturel, j’ai ma propre structure de production qui s’appelle Yongonlon et j’ai une vision très grande pour l’Afrique. Je me suis basé dans la diffusion donc je veux que les pièces produites ou que des espaces en Afrique puissent être mis en place pour les africains en vue de faciliter la mobilité et les tournées des africains en Afrique. Nous avons un public qui consomme mais les espaces et la vision de la diffusion ne sont pas au menu.
Je souhaiterais vraiment travailler là-dessus raison pour laquelle mon projet Yongonlon a vu le jour. C’est un projet d’un centre, un théâtre que je souhaiterais construire avec des briques en terre compressée dont j’ai déjà payé la machine; on peut produire nos briques nous-même, construire nos espaces culturels avec la population pour la population. Et dans les 54 pays que compte l’Afrique, ma vision est que Yongonlon puisse exister pour pouvoir gérer la diffusion de nos artistes; c’est pour cela que j’en ai fait également une structure de production. J’ai un artiste que je produis et au niveau du BBDA, nous sommes une structure reconnue. Donc Yongonlon production gère la production artistique, la diffusion, le management et l’évènementiel.

ICF : Quels sont vos projets à court et moyen terme ?
Ahmed Soura : Je suis passionné de la mode, je ne peux donc pas comprendre que les africains s‘habillent en Gucci et autres. Cela veut dire qu’on a un goût du luxe qui n’est pas là. Pour ce faire, j’ai cofondé la marque de vêtements Power Gig’Art qui veut dire la force de l’art dans notre société. L’idée, c’est de nous permettre de rêver plus grand. Avec mon co-fondateur Kiki Jean Robert Koudogbo qui est aussi chorégraphe danseur, on a voulu créer la marque pour donner une autre image des africains, celui de dire que noud pouvons aussi produire nous-même. Ce n’est pas forcement avec du Kôkô dunda ou du Faso danfani mais avec des matières de qualité, faire des tenues de qualité avec des designers pour vendre aussi notre culture. Du coup, je suis PDG de Yongonlon production et Co-fondateur de Power Gig’Art, et ce sont ces deux projets que je pilote présentement.
Je me suis mis dans la production audiovisuelle des pièces de théâtre ou de danse contemporaine. J’ai fait des formations en ligne sur le cadrage et la réalisation. Moi je gère tout le côté artistique. I y a un réalisateur mais moi je suis le Directeur artistique.
Par ailleurs, je donne des cours à l’école de danse Irène Tassembedo. Ces cours aussi viennent pour boucler une bourse que j’ai reçue en Allemagne qui me permet de travailler sur ma propre vision du mouvement contemporain parce qu’on a tendance à donner une identité typique aux danseurs africains. Du fait qu’ils font la danse contemporaine étant noir donc c’est la danse africaine contemporaine. Poir dire vrai, je suis contre cela ; on ne peut pas faire la même chose, quand c’est le Chinois on ne dit jamais danse contemporaine chinoise, quand c’est l’Européen on ne va jamais dire danse contemporaine européenne, quand l’Américain le fait on ne dira jamais danse contemporaine américaine. Et il suffit que tu sois Africain noir, qu’on puisse te donner cette connotation pour t’enlever de la classe des intelligents.
C’est-à-dire les autres qui font le contemporain, eux ils ont des concepts, ils ont développé le truc, ils travaillent avec des dramaturges, ils se sont inspirés des livres et donc c’est comme s’il y avait une catégorie de personnes qui font ça. Et pour les danseurs africains, ah eux ils sont nés avec la danse, de toute façon ce qu’ils font c’est du traditionnel et commencent à créer des nuances. Non, nous sommes aussi intelligents, nous travaillons au même degré que des Européens qui entrent en studio, qui font des résidences de création et qui font sorties des pièces.
Donc je me suis dit que notre danse mérite d’être classée au sommet. D’ailleurs pour moi, nos danses traditionnelles, ce sont des mouvements de qualité qui n’existent nulle part ailleurs. Déjà en termes d’originalité, nous sommes en avance sur les autres. Et pour ne pas nous mettre à ce niveau puisqu’eux, déjà notre base, il faut qu’ils fassent 06 à 07 mois pour avoir des vibrations Gulmancé. Si moi j’utilise mes vibrations Gulmancé et je développe ça, je décompose et j’introduis tout ce qui est technique de la danse contemporaine, ils sont ébahis, ils sont dépassés parce qu’eux, c’est très loin de leur niveau et donc du coup quand ils ne connaissent pas, ils disent que nous sommes entrain de faire des cérémonies vodous. Par conséquent, nous sommes entrain d’invoquer des dieux, et c’est typiquement africain. C’est une chosequ’ils ne peuvent pas comprendre. En clair, j’ai voulu partager mon expérience avec mes jeunes frères, voilà pourquoi j’ai accepté de donner les cours à l’école de danse Irène Tassembedo. Après avoir fait 10 ans en Allemagne, j’ai décidé de revenir m’installer au Burkina pour trois ans avec toute ma famille.

ICF : Votre mot de fin
Ahmed Soura : Je vous remercie d’avoir pensé à moi. Je vous suis depuis l’Allemagne et je suis très fier que nous ayons une maison de presse comme Infos Culture du Faso. Vous êtes vraiment au taquet et ça fait plaisir; on voit que c’est bien varié. Vous suivez les artistes, et franchement je suis très content pour cela. Je vous souhaite une longue vie et à tout moment si je peux faire des choses, je suis ouvert pour des apports multiformes.

Interview réalisée par Mireille PODA (stagiaire)

 

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