Aguibou SANOU, est un professeur chorégraphe, promoteur et directeur des rencontres internationales de danse dans l’espace public, In-out dance festival. A travers une interview qu’il nous a accordée le 23 Février 2022 à Bobo-Dioulasso. Avec lui, l’entretien a porté sur le bilan des activités de la 9è édition du festival in-out dance, tenu du 31 Janvier au 12 Février dernier dans la ville de Sya.
Infos Culture du Faso (ICF): Présentez-vous à nos lecteurs s’il-vous-plaît.
Aguibou SANOU: Je suis Aguibou Bougobali SANOU, chorégraphe, Directeur artistique de in-out dance festival au Burkina Faso. Je suis également le fondateur des rencontres internationales jeunes autour du thé et de la tisane, le grain géant qui existe depuis dix (10) ans à Bobo.
ICF: Qu’est-ce qui vous a poussé à la danse ?
AS: Ce n’était pas prévu que je devienne danseur, je l’avoue. C’était le dernier de mes choix, je viens d’une famille d’artistes. Depuis tout petit, la maman Dembelé qui était une femme au foyer, dansait et chantait pour nous. Elle nous racontait des histoires et chaque histoire à sa danse. Parallèlement à mes études, je faisais des concours de danse des concours inter-quartiers de danse traditionnelle et / ou moderne. C’est en 2005 que j’ai fais ma première initiation en danse contemporaine avec le chorégraphe Sallia SANOU et aujourd’hui je danse pour apaiser les âmes, pour interroger, pour participer à la construction de l’humain et son environnement.
ICF -Vous-êtes promoteur de In-out Danse. A quoi consiste-il ?
AS: C’est un festival de danse qui se passe à l’intérieur comme à l’extérieur. Ça se passe dans le théâtre, les rues à la maison d’arrêt, au champ militaire, dans des lieus non conventionnels. -In-out consiste également à exposer au vu des publics, des spectacles de danse, des théâtres de qualités au profit du public. Ça consiste à former des jeunes dans plusieurs métiers des arts comme la danse, la régie, la production. En un mot, In-out danse festival cherche à démocratiser la danse et rendre accessible à toutes les couches de la société.
ICF: Parlez-nous des innovations qui ont marqué cette présente édition.
AS: L’innovation déjà, c’est le fait que vous ne voyez même pas le même spectacle à chaque édition. Chaque année, ce sont de nouvelles personnes qui viennent pour jouer, donc il y a une innovation permanente.
On va dire oui, on a déjà vu un spectacle de danse, vous n’allez pas forcement voir le même spectacle de danse l’année prochaine; vous n’allez pas voir les mêmes personnes, peut-être quelques personnes que vous reconnaissez. Sur 100 personnes venues, 70% seront toujours de nouveaux visages. C’est l’innovation permanente. Aussi cette année, nous avons rajouté la formation en technicien son et lumière, en administration production et gestion de projet. Nous avons commencé cette année un projet pluri disciplinaire et pluriannuel qui s’appelle SHARE ‘’partage’’ avec nos partenaires européens dont le festival Exodos de la Slovénie et qui est subventionné en partie par l’Union Européenne. Encore parlant d’innovation, nous avons associé cette année des footballeurs, qui ont été initiés pour une formation en technique de filmage et de montage de vidéo. Toujours avec nos partenaires du projet SHARE, nous avons initié cette idée de conférence pour débattre un peu sur les thématiques des politiques culturels en temps de crise au Burkina, dans le monde. Nous avons initié ce projet de culture et écotourisme, culture et écologie à travers le reboisement opéré à l’espace Arts-Green-Culture.
ICF : Y’a-t-il eu des difficultés qui ont émaillé la tenue du festival cette année? Si oui, lesquelles ?
AS: Quand on organisait la 9è édition du festival, qui s’est officiellement déroulée du 31 Janvier au 12 Février 2022 et officieusement le 17 Janvier dernier, en pleine préparation, déjà, on était en difficulté par rapport à la pandémie de Covid-19 qui pèse sur les activités artistiques et culturelles depuis maintenant deux ans. Voilà qu’à quelques jours du lancement officiel du festival, on a eu des mouvements d’humeurs à Ouagadougou qui se sont traduits en coup d’État. La culture reçoit directement les dommages collatéraux, Nous savons que la culture est plus subventionnée par l’extérieur. Malheureusement pour nous, avec le coup d’État au pays, certains de nos partenaires ont mis le pied un peu sur le frein. Logiquement quelques chose qui se prépare au moins 1 an en avance, si à deux semaines il y a des gens qui décident de se mettre en arrière, ça fausse les calcules et pourtant il y avait des étrangers qui étaient déjà là à Bobo et autres à Ouagadougou à l’aéroport au moment du coup d’État. On avait des étrangers, des artistes, des partenaires techniques et financiers qui étaient déjà à l’aéroport, dans leur pays venant au Burkina et des étrangers qui étaient déjà arrivés à Ouagadougou pour venir à Bobo. C’est ça qui nous a principalement pénalisé cette année.
ICF : Quel bilan pouvez-vous tirer de cette édition ?
Aguibou: Nous sommes toujours sur le bilan. Mais déjà, je sais que cette année à cause du coup d’état, nous avons eu 8 000 000 F CFA de déficit, et cela s’explique par l’insécurité et l’instabilité de notre chère nation depuis un certain temps. Comme je l’ai dit auparavant, nous avons reçu des dégâts collatéraux qui nous ont mis à genou. Et je tenais à préciser que je ne dis pas que le coup d’État est bien ou pas, le débat n’est pas là. Je veux tout simplement dire que ça a coïncidé avec la période du festival donc malheureusement ça nous a pesé vraiment dessus.
ICF : Quels sont les défis pour vous en ce qui concerne l’édition à venir ?
AS: Les défis pour l’année à venir, c’est de pouvoir tenir la 10é édition, qui peut être la dernière parce que cela fait 09 ans de combat, de galère, de souffrance, d’instabilité, d’insécurité, de fragilité sur tous les plans dans ce pays. Depuis la 2è édition du festival si tu regardes la chronologie de l’insurrection, des attaques terroristes, des putschs, de la covid, tu te rendras compte qu’ils se sont déroulés entre Octobre et Février donc 9 ans d’incertitude et de combat pour l’amour du métier que nous avons choisi, pour la valorisation des arts et de la culture et sutout pour sa construction de la cohésion sociale et la stabilité d’une économie durable. On va néanmoins faire la 10è édition. C’est à partir de la 10è édition on dira, si on va continuer ou pas. Déjà à la fin de la 9è édition, on se pose la question si on va continuer car « nous ne recevons malheureusement presque rien venant de ce pays ». En plus des privés comme Prime, Sobucop, Babali, la boulangerie Wend Konta, c’est la commune de Bobo qui nous soutenait mais à cause du coup d’État, les maires sont partis et les mouvements qui étaient en cours sont suspendus pour l’instant, des partenaires internationaux et nations qui devaient soutenir financièrement ont eu peur car ils disent que le pays n’est pas sécurisé. Mais d’autres comme l’embrassade des États-Unis, la France, l’Allemagne et l’Institut Français ont soutenu le festival. Donc si pendant 9ans, il n’y a que l’extérieur qui nous soutient, pourtant plus de 85% de notre budget est réinvesti au Burkina, et que pays lui-même ne donne rien ou presque rien, un temps viendra où l’on se dira c’est bon car tout l’argent est amassé en plusieurs mois ou plusieurs de recherches est redistribué au pays, à ceux qui sont dans le secteur informel. Tout ceci nous amène à se poser des questions. Aujourd’hui la culture est l’un des vecteurs de développement socio-économique du pays et « si on ne fait pas attention, tous les jeunes acteurs culturels talentueux et promoteurs vont déménager à l’extérieur car ils y sont plus mis en valeur. » Il y’aura de l’argent ou les moyens pour la culture mais il n’y aura pas d’acteurs majeurs pour tenir quelque chose de palpable et de concrèt. Il y a tellement de jeunes qui travaillent à l’extérieur (USA, Allemagne, France). Et c’est parce qu’ils ne sont pas mis en valeur et ne gagnent pas leur pain quotidien aux pays.
ICF : Quel est votre dernier mot pour clôturer cette interview ?
AS: Merci à Infos culture du Faso pour la confiance, d’accepter chaque fois de porter nos voix plus loin, haut, et on espère nous revoir dans nos murs.
Merci à toute la presse, locale et internationale qui nous accompagne et nous font confiance. Tous mes remerciements à tous mes partenaires techniques et /ou financiers, à toute notre équipe. A tous ceux qui de prêt ou de loin ont contribué à la tenu de cette édition et toutes les éditions précédentes, nous leurs adressons nos sincères remerciements avec une mention très spéciale au 1er responsable, à tout le personnel de la 2ème région communément appelé champ militaire de Bobo qui nous a ouvert les portes en cette période très spécial de notre nation. Mention spéciale à Mr Bourheima Fabéré SANOU, Ba COULIBALY, Michel Saba, Al Hassane SIENOU et Mahamadou BARRY, respectivement l’ex maire de la commune de Bobo-Dioulasso, le PDG de Prime OIL, le DG de Cerav Afrique, le président de la chambre de commerce et de l’industrie des Hauts-Bassins et PDG de Babali eau minérale.
Toute notre gratitude à son excellence Mr l’Ambassadeur de Ghana au Burkina, Mr le Consul du Ghana et Mme la Consule de l’Allemagne au Burkina qui ont soutenu techniquement, financièrement et à travers leur présence physique à Bobo-Dioulasso pour le compte de In-out dance festival et le SHARE. Toutes mes pensées à toutes les familles endeuillées depuis le début des tueries jusqu’à nos jours. Puisse Dieu couvrir notre nation de paix et de d’harmonie. A très bientôt pour les 10 ans de In-out dance festival en 2023, dans un Burkina plus harmonieux de solidarité et de convivialité.
Catherine S. ZONGO (stagiaire)