Derrière de nombreux tubes de la musique burkinabè contemporaine se cache un homme de l’ombre, discret mais incontournable : Petit Jeano. De son vrai nom Jean Marc Kiswendsida Guiébré, il s’est imposé comme l’un des piliers de l’arrangement musical au Burkina Faso, mêlant rigueur, créativité et engagement.

Une passion née dans les ruelles de Sin-Yiri
Originaire de Niaogho (province du Boulgou), Petit Jeano naît à Pouytenga mais grandit à Ouagadougou, dans le quartier populaire de Sin-Yiri. C’est là que son amour pour la musique germe. Élève au lycée Philippe Zinda Kaboré puis au lycée privé Yiguia, il mène un parcours scolaire respectable jusqu’à ce que le rap et la musique assistée par ordinateur (MAO) viennent bouleverser ses plans.

En 2005, il fait ses premiers pas dans l’arrangement musical, se déplaçant quotidiennement de Sin-Yiri à Tampouy juste pour toucher au logiciel sur l’ordinateur d’un ami. Autodidacte, persévérant, il apprend les bases de la programmation musicale en produisant des maquettes pour les groupes underground de la capitale.

Comptable le jour, arrangeur la nuit
En janvier 2007, il est recruté comme agent comptable à la société Génédis. Installé à la Zone du Bois, sa maison devient le soir un studio d’enregistrement. Dès 2009, il officialise sa carrière en s’inscrivant au Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA). Il est également membre de la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique en France), preuve de sa reconnaissance à l’international.

L’allié fidèle de Floby, l’artisan des hits
C’est avec Floby qu’il forme l’un des duos les plus redoutables de la musique burkinabè. De “I love my lady” à “Aminata”, “Tu me connais”, “Rouler” ou encore “Baba”, il signe des arrangements qui marqueront des générations. Il dirige même le studio UM226 de Floby entre 2016 et mi-2017. Sur les trois derniers albums de ce dernier, Petit Jeano a arrangé 32 titres, une prouesse rare.

Mais son talent ne s’arrête pas là : il est derrière les sons de Malkhom (“Boin tar Zena”), Imilo Lechanceux (“Une minute au village”), Sissao, FatBeauté, Sana Bob, ou encore le titre “Independace Day” de Smarty, Eunice Goula et Donsharp De Batoro, produit par Papus Zongo. Il participe aussi à des projets d’envergure comme l’“Hymne de la victoire”, un chant patriotique dédié aux Étalons, réunissant plusieurs artistes.

De l’ombre à la reconnaissance
Les distinctions pleuvent pour ce bâtisseur du son :
• Meilleur arrangeur 12 PCA 2020 et 2023 (Personnalités Culturelles de l’Année)
• Meilleur arrangeur FAMA 2019 et 2023 (Faso Music Awards)
• Meilleur arrangeur Groove Tour 2023
• Challenger Ouaga VIP 2021
• Jeune talent Samer Vibration 2023
• Compositeur AMA 2024 (Académie de la Musique Africaine)
Ces trophées consacrent un parcours forgé dans l’ombre mais reconnu au sommet.

Résilience, transmission et vision
Entre 2013 et 2016, Petit Jeano connaît un retrait forcé du monde musical pour des raisons personnelles. Mais fidèle à sa philosophie de la résilience, il revient plus fort. Depuis trois ans, il transmet aussi son savoir à travers des formations en MAO grâce à sa structure Art’mony Production, en partenariat avec le Centre Onésiphore. Il ne s’impose aucune frontière stylistique : il arrange tout, avec la même précision.

Un bâtisseur de l’ombre
Dans un paysage musical où la lumière se pose souvent sur l’interprète, Petit Jeano reste cette main invisible mais essentielle, celle qui sculpte les sons, donne vie aux émotions musicales et bâtit les tubes de demain.
Petit Jeano, c’est plus qu’un arrangeur.
C’est une école, une vision, une signature sonore burkinabè.
Parfait Fabrice SAWADOGO