jeu 21 novembre 2024

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« Le talent est le seul diplôme valable partout où que l’on aille », Patrick Odon, artiste-chanteur malgache installé au Burkina

Parti de son pays le Madagascar, Patrick Odon s’installe au Burkina Faso, après avoir fait plusieurs autres pays africains. Une nouvelle terre d’accueil où l’artiste se lance en 2016, dans une carrière solo qui lui vaudra de sortir trois ans plus tard « Loso », son tout premier album. Invité au sein de notre rédaction, l’artiste-chanteur, auteur-compositeur, s’est confié sur ses débuts dans la musique, son choix de s’installer au Burkina mais aussi sur ses projets.

Infos Culture du Faso (ICF): Du Madagascar, vous êtes maintenant installé au Burkina Faso. Comment est-ce que cela est arrivé ?
Patrick Odon (PO): Après mes études supérieures en tourisme dans mon pays, le Madagascar, j’ai beaucoup travaillé avec des touristes. En claire, j’ai fait visiter mon pays; puis après ça m’a donné l’envie de découvrir davantage, surtout côté sources car les malgaches sont originaires de pays asiatiques mais aussi africains. Donc j’ai parcouru quelques pays de l’Afrique sub-saharienne avant de décider de rester au Burkina Faso.

ICF: Parlez-nous de votre histoire avec la musique.
PO: Même si je suis diplômé en tourisme, la musique a toujours été une passion. Mais le déclic m’est venu en 2016, lorsque j’ai remporté le Saxo Bronze du concours Jazz Performance au Festival Jazz à Ouaga. Cela m’a permis non seulement de comprendre que le pays me convenait et que je devais m’y installer définitivement, mais aussi de me lancer dans une véritable carrière solo. Cela dit, j’ai pu par la suite enregistrer en 2019, intitulé « Loso ».

ICF: Mais qu’est-ce qui a motivé votre choix de rester au Burkina Faso ?
PO: Je tiens à préciser que j’ai connu le Burkina Faso dans les années 2010-2011. J’y avais de la famille mais c’étais juste des aller-retour qui n’entraient pas dans le cadre de la musique. Cependant, après mon sacre du Saxo Bronze en 2016, je me suis dit que c’est un bon endroit pour moi pour créer parce qu’il y a plein d’artistes, plein de projets musicaux. Mais, il faut dire que ce qui m’a le plus convaincu, c’est qu’il y a quelque chose qui m’a rapproché en tant que malgache, au peuple burkinabè: c’est l’intégrité, l’acceptation de celui qui vient d’ailleurs. Du coup, je me suis senti chez moi. C’est comme ça que j’ai décidé m’y installer et de lancer ma carrière solo tout en développant certaines choses dans d’autres pays.

ICF: Malgré votre intégration facile, est-ce que vos débuts dans la musique ont été difficiles ?
PO: Pour dire vrai, mes débuts n’ont pas été trop difficiles en ce sens que j’ai eu pour habitude de dire que le talent est le seul diplôme valable partout où que l’on aille. Beaucoup pratiquent l’art mais c’est le talent que le public ou tout autre entrepreneur culturel valide. Donc, je suppose que les gens ont un peu compris ce que je fais comme musique.

ICF: Veuillez-nous en dire plus sur « Loso », votre premier album solo.
PO: « Loso » signifie en langue malgache « parti ». C’est un album au contenu très varié parce que ma musique est beaucoup métissée. Je ne suis pas du genre à me figer sur un seul rythme. Je fais six ou sept rythmes musicaux bien distincts. Et dans cet album, on retrouve du slow, du reggae, du blues, du rock, un peu de la world music, etc. Substantiellement, j’y ai abordé des thématiques telles que l’environnement, le respect, l’amour, la situation politique de mon pays et de l’Afrique en général; j’y rend hommage également aux paysans. Il y a même une chanson intitulée « Océan » qui parle d’un pêcheur qui cherche à savoir ses origines. Vous savez, nous les malgaches sommes un peuple pluri-originaire (Afrique, Asie, Europe, etc.) que beaucoup d’entre nous cherchent à retracer leurs origines. En fait, cela retrace aussi mes propres origines africaines. Il y a également sur cet album une très belle collaboration avec Frère Malkhom intitulé « Je m’en vais ».

ICF: Cela fait 3 ans que l’œuvre est sur le marché, comment est-ce qu’il se comporte ?
PO: L’album se comporte bien sur le marché, bien que de nos jours les choses ont un tout petit peu changé avec l’avènement du numérique. Mais qu’à cela ne tienne, nous les artistes devrions nous adapter; nous adapter à la vente digitale. Par exemple, beaucoup de mélomanes sont fans mais ils n’ont plus de lecteurs CD à la maison, voilà pourquoi nous devons suivre ce changement et je pense que ça déjà commencé avec les clés USB et autres.

ICF: De 2016 à aujourd’hui, comment évaluez-vous votre carrière ?
PO: Ma carrière, il faut dire qu’elle est un peu particulière. Pour quelqu’un qui vient d’ailleurs, les gens veulent te voir. Et en faisant bien ton travail, ça peut déboucher sur beaucoup de choses mais ça peut aussi déranger certaines personnes qui sont aussi dans le milieu. C’est tout à fait normal au vu de la concurrence.
Mais dans l’ensemble, ça se passe très bien en ce sens qu’au delà des spectacles, j’ai participé et continue de participer à des projets en lien bien-sûr avec la musique. Au départ, j’avais pour objectif d’être artiste-musicien, mais je me retrouve à prendre part à des projets de formations, etc. Ça ne peut que me réjouir et m’encourager davantage. Et pour compléter, je fais de la musique de films, de théâtre et autres. Si ça me convient et que le projet est en lien avec avec la musique, il n’y a pas de problème.

ICF: Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté ?
PO: Les difficultés pour un artiste, ça ne manque jamais. Mais pour ma part, la difficulté se situe au niveau du manque de partage entre nous acteurs culturels. Dans l’art, il faut donner pour recevoir mais malheureusement ce n’est pour l’instant pas le cas. Par conséquent, ce manque de partage fait que chacun est plus préoccupé par son projet et cela nous renferme. Donc, il nous faut plus de solidarité, s’ouvrir aux uns et aux autres.
Au delà de cela, il y a le fait que les projets ne vont pas vers le public. Si on offre la culture au public, peu importe le quartier ou village, il reçoit. On doit créer plus de liens entre les projets et le grand public, surtout que nous sommes en tant de crise. En fait, ce n’est pas tout le monde qui peut se lever et aller voir un spectacle au Palais des sports ou dans toutes autres grandes salles de spectacle pour voir un concert. Bien-vrai que nous prenons part à certains projets qui vont dans ce sens mais beaucoup restent à faire. En fait, ceux qui ont la volonté d’aller vers le public n’ont pas assez de moyens pour le faire.

ICF: Quels sont vos projets actuels ou à venir ?
PO: Je suis en pleine préparation de mon deuxième album. Mais au vue des crises qui secouent actuellement, je vais pas à pas. D’ailleurs, je vais sortir bientôt un single afin de maintenir les fans en attendant l’album.
Mais par delà tout, je souhaiterais mettre en place un projet sud-sud. C’est-à-dire un projet qui pourrait attirer les gens vers chez moi (Madagascar) et vice-versa. Chacun de nous créé et va en Europe, pourtant chez nous en Afrique, on ne nous connait pas. Du coup, nous sommes entrain de créer seulement rien que pour l’Occident. Nous avons le devoir de partager ce talent entre nous africains. Il s’agit d’une sorte de collaboration socioculturelle, environnementale entre les pays du Sud. C’est là l’idée qui se cache derrière ce projet que je nourrit.

ICF: Nous sommes au terme de notre entretien, qu’aimeriez-vous ajouter ?
PO: D’abord, je souhaite que la paix revienne le plus rapidement possible au Burkina Faso, parce que sans paix, tout est limité. En plus, c’est un pays très accueillant, intègre et très tolérant. Voilà pourquoi je pense que la solution pourrait venir de là. Par ailleurs, nous en tant qu’acteurs culturels devrions aussi jouer notre partition d’où la nécessité d’aller vers les grand publics pour les rassurer, les réconforter. C’est ça aussi la force de l’art. Il est l’intermédiaire entre la joie et la douleur. Et pour finir, je tiens à vous dire merci de m’avoir offert cette fenêtre pour m’exprimer.

Interview réalisée par Boukari OUÉDRAOGO

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