Depuis belle lurette, le Burkina Faso a toujours été la vitrine du cinéma en Afrique, avec de grands hommes de cinéma à l’image de l’acteur-comédien Gustave Sorgho. De ce fait, nous avons eu l’occasion de le recevoir dans les locaux de notre rédaction. Cette icône du cinéma burkinabè a bien accepté de nous confié sur ses débuts dans le cinema, sa riche filmographie ainsi que le niveau décadent du cinéma burkinabè.
Véritable sommité du cinéma burkinabè, Gustave Sorgho, ou encore connu comme <<Tonton Gaoussou>> pour certains et <<Siriky>> pour d’autres, incarnait déjà du talent de comédien dès son bas-âge au collège. En effet, il prenait plaisir à jouer dans certaines troupes théâtrales dont le premier rôle qu’il a incarné était celui de la « langue collée », un sourd-muet qui a été témoin d’une agression et qui devait témoigner lors d’un jugement… À l’en croire, le théâtre et le cinéma ont toujours fait partie de sa personne. En un mot, ils constituent sa passion.
« Après mon cursus scolaire, je suis allé à l’école normale, puis après au cours normal. Et c’est de là que tout est parti; là je faisais la musique, le théâtre. Et par la suite, j’ai été muté comme enseignant dans la région de Kaya, endroit où j’ai été bercé par le théâtre radiophonique. Et Dieu faisant les choses, je suis revenu à Ouagadougou où j’ai commencé à travaillé à CFAO, puis par la suite à la BIB (actuel UBA). Et quand j’etais en banque, je pouvais accepter de faire un ou deux mois sans salaire, juste pour aller faire du théâtre ou du cinéma. Mais, par dessus tout, j’ai eu la chance d’avoir des Directeurs qui étaient assez culturels et qui m’ont permis de vivre ma passion tout en étant banquier. Ce-ci dit, je resterai à jamais reconnaissant aux Directeurs de l’époque à savoir, Gaspar Ouédraogo, Rock Mark Kaboré (actuel Président du Faso), et bien d’autres. C’est à partir de là que j’ai enclenché avec le théâtre radiophonique, via la radio. Aussi, au même moment, j’ai appris le tournage d’un film à Kossodo par la CINAFRIQUE, le seul endroit à l’époque qui avait créé un environnement cinématographique. J’ai eu la chance d’y être present où le célèbre acteur burkinabè Sotigui Kouayté tenait le rôle principal. Et par pur hasard, j’ai obtenu le rôle de celui qui devait aller à cheval car le concerné, Joseph Nikiema (paix à son âme) n’ayant pas pu. Et ce rôle du <<cavalier esclavagiste>> a été mon tout premier dans un long métrage », a témoigné Monsieur Sorgho.
Et comme si le destin lui avait été déjà tracé, c’était le début d’une longue et riche carrière pour ce grand homme de cinéma et du théâtre. L’homme va ensuite faire ses preuves dans bon nombres de réalisations cinématographiques tant au Burkina que dans la sous-région. On pourrait citer entre autres « L’or des Younga”, “Le secret”, “Wendemi”, “Si longue que soit la nuit”, “Yelbeedo”, le célèbre long métrage “Camp de Thiaroye” d’Ousmane Sembène et de Thierno Faty Sow, tournée en 1988 au Sénégal. Il a aussi participé à des series telles que “Ina” et “Le testament”. La liste est exhaustive.
À la question de savoir son secret de réussite dans tous les rôles qu’il a eu à jouer durant sa riche carrière, Monsieur Sorgho fait savoir qu’aucun secret n’existe en tant que tel. Seulement, à l’avoir écouté, il vit sa passion et que lorsque cela est vu sous cet angle, tous les rôles que l’on vous attribue deviennent comme un jeu. » À partir du moment où tu fais quelque chose qui te plaît, tu auras toujours le sentiment de t’y plaire plutôt que d’en souffrir », a-t-il précisé avant de déclarer qu’incarner un rôle n’est pas chose aisée. Pour lui, c’est tout un processus de travail spécifique, psychologique, didactique, professionnel et de remise en question. C’est un travail où la matière grise, l’intelligence et la créativité doivent être de mise.
Besoin crucial de recentrer le cinéma burkinabè
Qu’à cela ne tienne, le cinéma burkinabè est pleine perte de vitesse. Cela reste perceptible même à travers la nouvelle génération d’acteurs. À en croire Gustave Sorgho, la lecture est le fondement de l’éveil du cerveau, et gage d’un bon acteur. Et malheureusement, les jeunes d’aujourd’hui ne lisent pas et aiment la facilité. « Être un bon acteur, c’est aussi ça. Savoir faire la part des choses et se remettre toujours en cause. Aussi, nombreux sont ceux qui viennent dans le cinéma aujourd’hui, juste pour paraître et non pas par passion. Je pense que ce sont entre autres des anomalies qui détériorent, de nos jours, la qualité de nos œuvres cinématographiques. Aussi se faire former à chaque fois qu’il le faut. Il faille faire un travail psychologique, scientifique et pédagogique pour voir quel est l’approche par rapport à son personnage. Personnellement, je n’ai pas fait d’écoles d’art dramatique mais je fais des ateliers tant que je peux et je vois des films; ce qui me permet de me perfectionner et me remettre en cause », s’est-il confié.
À en croire toujours à ses dires, le cinéma burkinabè a perdu sa valeur d’autrefois, en ce sens qu’il a bessoin d’une véritable remise en cause afin de retrouver sa lettre de noblesse. « Nous avons l’obligation de recentrer aujourd’hui, le cinéma burkinabè. Autrefois, nous avons eu la chance de voir l’INAFEC qui a formé beaucoup de techniciens qui, aujourd’hui, rayonnent plus dans d’autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Mali, le Togo, le Sénégal ou encore le Bénin qu’au sein même du Burkina Faso. Et c’est bien-sûr sous la base d’une volonté politique que nous avons pu mettre autrefois, en place des salles de ciné de renoms comme le ciné Sagnon, le ciné Burkina, etc. Également, grâce à la révolution, nous avons eu des salles dans presque toutes les régions. Juste dire que ceux qui ont dirigé en son temps, ont eu la volonté politique de faire de Ouagadougou, la capitale du cinéma africain. Aujourd’hui, nous pouvons et devons redorer le blason de notre cinéma. Mais cela reste une volonté politique. Les textes sont sont là, cependant il manque réellement de décrets d’application », a martelé Gustave Sorgho.
Par ailleurs, il a fait savoir que le cinquantenaire du FESPACO devait être un tournant décisif pour le cinéma burkinabè. Au-delà de servir de vitrine au cinéma africain, il doit être une industrie qui puisse permettre d’auto-financer les flms africains, à écouter ses dires. De ce qui ressort de ses propos, nous devons dépasser le cadre national; le Burkina doit faire des films qui puissent s’exporter au delà de l’Afrique, l’Asie, l’Amérique, etc. « Notre patrimoine culturel est tellement riche que nous pouvons faire des films qui marquent. Il faut seulement de la volonté politique », a-t-il expliqué avant d’ajouter qu’il a participé à des projets de films qui verront très bientôt le jour.
Boukari OUÉDRAOGO