La Direction de la promotion des musées du Burkina Faso est l’une des directions techniques rattachées à la Direction générale du patrimoine culturel. Vu sous cet angle, elle est chargée essentiellement de la mise en œuvre de la politique nationale de développement des musées au Burkina Faso. De passage dans nos locaux, le premier responsable de cette direction Evariste Kabore, a bien accepté de nous entretenir de long en large, sur la gestion de ladite structure. Lisez plutôt !
Infos Culture du Faso (ICF) : Veuillez-vous présenter à nos lecteurs s’il-vous-plait.
Evariste Kaboré (EK) : Je réponds au nom d’Evariste Kaboré. Je suis conservateur, restaurateur de musées de formation ; Mais j’officie depuis 2020 comme le Directeur de la promotion des musées du Burkina Faso.
ICF : Cela fait maintenant un an que vous occupez le premier poste de responsabilité de la Direction de la promotion des musées, faites nous une brève présentation de cette direction.
EK : La Direction de la promotion des musées du Burkina Faso est une des directions techniques de la Direction générale du patrimoine culturel (DGPC). Elle est essentiellement chargée de la mise en œuvre de la politique nationale de développement des musées. À ce niveau, on parlerait plus de la conservation, la protection et la promotion du patrimoine culturel meuble à travers les musées.
ICF : Quelles sont de ce fait les principales missions assignées à cette direction ?
EK : Comme je l’ai dit tantôt, nous avons principalement pour mission de contribuer à la mise en œuvre de la politique de développement des musées. Aussi, nous sommes habilités à recevoir et traiter les dossiers d’ouverture de musées, étant donné que nous travaillons à encadrer la création et l’ouverture des musées sous la base des textes portant conditions de création de ces établissements muséaux. A noter que nous sommes aussi chargés d’aider ces établissements à mettre au point leurs inventaires, ce qui contribue à la protection du patrimoine culturel. Nous apportons également des appuis sur le plan technique et conseil. Par ailleurs, un autre aspect important est que nous travaillons à lutter contre le trafic illicite des biens culturels, en ce sens que notre direction est également chargée de la régulation de la circulation des biens culturels à travers le contrôle des biens à l’exportation et à l’importation, et la délivrance des certificats d’exportation.
ICF : Quelle place occupe cette direction dans le processus de préservation et de protection du patrimoine culturel au Burkina Faso ?
EK : Etant logée au sein de la DGPC, la direction de la promotion des musées s’occupe essentiellement du volet patrimoine mobilier à travers les musées qui se veulent un moyen de conservation et de promotion du patrimoine culturel. C’est dire que notre direction joue sa partition dans la préservation, la sauvegarde et la valorisation de cette catégorie particulière du patrimoine culturel. Comme vous le savez, le patrimoine culturel mobilier est soumis à plusieurs périls, entre autres les menaces de détérioration, de perdition et de trafic illicite. La création des musées vient répondre au besoin, de préserver ce type de patrimoine. En effet, les musées sont des établissements qui offrent des conditions optimales en termes de conservation de ce patrimoine mais également qui peuvent travailler à diffuser les valeurs qui en decoulent.
ICF : Depuis votre accession à ce poste, quelles sont les actions qui ont été menées sur le terrain par votre équipe ?
EK : Je pense que nous nous sommes d’abord inscrits dans la continuité par rapport à tous les chantiers de développement des musées qui avaient été déjà ouverts par les personnes qui occupaient cette responsabilité. Le premier vaste chantier a été celui de l’actualisation des inventaires. En effet, l’inventaire, c’est vraiment le moyen privilégié pour pouvoir protéger à la base les collections. En effet, pour protéger, il faut pouvoir identifier de façon claire les élements constitutifs des collections de chaque musée. Ce travail débuté depuis plusieurs années, a permis d’inscrire la plupart des collections des musées sur les registres d’inventaires et de constituer des fichiers numériques. La perspective est de pouvoir enregistrer l’ensemble de ces collections sur une base de données spéciale logée au sein de la DGPC..
Le second vaste chantier, c’est dans le cadre des coopérations, des partenariats que la DGPC a noués, notamment avec l’UNESCO à travers son bureau régional de Dakar qui a accordé une assistance technique pour sécuriser les objets des musées situés dans les zones de confits. Et à cet effet, il y’a eu plusieurs actions, à savoir l’exfiltration des objets du musée de Kaya au musée national, le travail de numérisation des collections, la valorisation à travers des expositions virtuelles, et bien d’autres. Aussi, comme chantier, il s’agit de tout ce que nous apportons comme assistance technique aux promoteurs et gestionnaires de musées à travers des sessions de renforcement des capacités, l’accompagnement pour les projets d’ouverture des musées etc.
Il faut aussi souligner le travail fait pour le développement des publics des musées à travers des expositions et autres activités de diffusion culturelle.
Pour ce qui est de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels, on peut relever le travail quotidien de contrôle de la circulation des biens et celui de la sensibilisation des acteurs sur le terrain.
ICF : Rencontrez-vous des difficultés dans le processus d’exécution de vos missions ?
EK : À ce niveau, je parlerai plutôt de défis. Comme on le sait, le premier défi est que les musées, en dépit de leur place incontournable, de leur importance, leur rôle social, demeurent toujours de grands inconnus. Il faut donc travailler à sensibiliser l’opinion sur les rôle et l’importance des musées.
Les activités muséales, contrairement à ce qu’on peut croire, sont complexes et nécessitent souvent d’importants investissements financiers. le travail de conservation, d’entretien des collections, de diffusion et de valorisation ne peut se faire qu’à travers des infrastructures normalisées, des équipements conséquents etc…
A la base, pour que les musées atteignent un bon niveau de développement, il faudrait des investissements et c’est un défi quotidien pour les promoteurs et gestionnaires de musées qui sont souvent réduits à travailler avec très peu de moyens , à la survie des établissements muséaux.
Les défis sont donc nombreux ; ils sont exacerbés par la situation sanitaire et sécuritaire que notre pays connait.
C’est dans ce contexte particulièrement difficile qu’il faut faire fonctionner les musées, conserver le riche patrimoine, intéresser les publics etc, rendre les équipements plus attractifs etc.
ICF : Parlant donc de l’attractivité, y’a-t-il des actions qui sont en vue, pour ramener le monde au niveau des musées ?
EK : Bien-sûr, il y a des initiatives qui sont mises en place car on se dit que pour intéresser les publics nationaux, il va falloir développer des contenus attractifs. Et pour exemple au musée national, il y a donc le développement des expositions majeures depuis maintenant quelques années qui portent sur le patrimoine culturel des groupes ethnoculturels nationaux. Cela a drainé un bon nombre de personnes vers le musée en ce sens qu’elles désirent connaitre mieux leur culture. Aussi, nous avons développé des initiatives qui vont au-delà des activités classiques des musées. Et l’idée, c’est de faire de l’espace muséal, un lieu où toutes les expressions culturelles peuvent trouver leur place. Au niveau du musée de la musique Georges Ouedraogo, l’année dernière nous avons développé une exposition dénommée « focus sur le Bwamu ». Et autour donc de cette exposition, il y a eu des activités comme des soirées de musique traditionnelle, un marché traditionnel, des panels, etc. il s’agit pour nous de diversifier les activités muséales en allant au-delà de ce que nous faisons habituellement. Aussi, la récente crise sanitaire nous a enseigné à innover en initiant des expositions virtuelles, des contenus numériques pour permettre aux publics de profiter du patrimoine sans forcément se déplacer du fait des mesures de lutte contre la Covid-19.
ICF : En tant que premier responsable de cette direction, quelles relations entretenez-vous avec les différents promoteurs et gestionnaires des musées du Burkina Faso ?
EK : Nous sommes une direction technique et de ce fait, nous avons développé un réseau de tous les acteurs, ce que nous appelons les promoteurs et les gestionnaires de musées. Et chaque année, nous avons un cadre de rassemblement qui réunit l’ensemble de ces promoteurs pour discuter des défis et trouver des solutions. Pour mieux atteindre nos objectifs, nous devons travailler ensemble. Et pour dire vrai, nous entretenons de très bons rapports ; il y a de la communication entre nous à travers des canaux que nous avons créés à cet effet ; nous recueillons les statistiques de fréquentation des musées, les statistiques en termes de collections, les difficultés et essayons d’apporter des solutions à travers l’appui-conseil, l’appui en matériels spécifiques et la formulation des politiques.
ICF : Mais de façon générale, comment appréciez-vous la gestion des musées au Burkina Faso ?
EK : Je crois que les promoteurs et gestionnaires de musées font de leur mieux avec peu de moyens dans un contexte particulièrement difficile. La plupart des musées fonctionnent sur la base des droits d’entrée quand on sait que ceux-ci ne peuvent pas suffire à prendre en charge tous les aspects de fonctionnement. Il faut donc de la créativité, de l’innovation, de la capacité d’adaptation pour arriver à bout de ces difficultés. Avec de la persévérance et de la passion, il est possible de relever les défis pour des musées plus dynamiques et plus attractifs.
ICF : Vu les nombreux défis, avez-vous des doléances à l’ endroit des décideurs politiques ?
EK : Je parlerais plutôt d’attentes. Vous savez, les musées ne sont pas très bien connus, donc nous continuons le travail de plaidoyer auprès de l’autorité publique pour qu’un regard plus attentionné puisse être porté à l’endroit des musées considérant leur rôle social irremplaçable. Ce qu’il faut savoir, c’est que les musées ne peuvent pas se développer sans un minimum d’accompagnement en termes de financement, d’investissements qui puissent permettre aux établissements muséaux de mieux fonctionner et aux personnels de travailler dans de meilleures conditions.
Interview réalisée par Boukari OUÉDRAOGO