L’Association des Critiques de Cinéma du Burkina (ASCRIC-B) s’apprête à tenir du 6 au 13 septembre prochain, la 6e édition de la Semaine Nationale de la Critique de Cinéma de Ouagadougou (SECRICO). Une édition qui réserve un contenu assez riche dont le Président de l’association, Abraham Bayili nous a dévoilé lors d’un entretien au sein de notre rédaction, ce 2 septembre 2022.
Infos Culture du Faso (ICF): Dites-nous qui est Abraham Bayili ?
Abraham Bayili (AB): Je tiens d’abord à vous dire merci pour l’intérêt que vous nous accordez. Cela dit, je suis l’actuel président de l’ASCRIC-B. Mais bien avant cela, j’étais journaliste culturel et j’ai fait partie du tout premier bureau de l’Association des journalistes et communicateurs pour la culture. En effet, j’ai travaillé en tant que pigiste aux Éditions Sidwaya et Le Faso.net. J’ai également plusieurs fois été membre du jury de plusieurs festivals de cinéma, de musique et de théâtre.
Mais par delà tout, je suis enseignant de français et doctorant à l’Université Joseph Ki Zerbo. Je prépare ma thèse sur « le cinéma des femmes au Burkina Faso ».
ICF: Veuillez-nous présenter l’ASCRIC-B que vous présider depuis quelques années ?
AB: Il faut dire que cette association a vu le jour avec pour objectif d’initier la plupart des cinéphiles à la critique cinématographique, surtout d’intéresser les journalistes en vue de contribuer à la promotion du cinéma burkinabè et africain en général. Il s’agit également de participer à l’animation culturelle et cinématographique au Burkina Faso.
Mais ce qu’il faut savoir, c’est que le critique de cinéma se présente comme un médiateur entre lui, le public et les cinéastes. Il aide à la fois le public à mieux comprendre l’œuvre cinématographique, et le cinéaste à mieux améliorer sa production.
ICF: Depuis sa mise en place, que pourrait-on dire de son impact sur le cinéma burkinabè ?
AB: Nous avons participé à plusieurs éditions du FESPACO où nous sommes sollicités dans la commission debats-forums. C’est nous qui sommes chargés d’organiser les débats avec les professionnels pour échanger sur les problématiques du cinéma en Afrique. Nous organisons également la présentation des séances de projections dans les salles de cinéma à l’occasion de ce grand rendez-vous du cinéma africain.
Mais en dehors de cela, nous avons des projections suivies d’échanges et de débats une fois dans le mois. Pour toutes ces actions, on peut donc dire sans se tromper que l’ASCRIC-B participe à promouvoir le cinéma burkinabè; contribue à jeter le débat sur le cinéma et à aider les cinéphiles à mieux appréhender les œuvres cinématographiques burkinabè. Nous sommes donc un acteur incontournable du cinéma, foi de quoi nous faisons partie des acteurs indirects qui participent à aider le cinéma burkinabè à aller de l’avant.
ICF: La 6e édition de la SECRICO se tiendra du 6 au 13 septembre prochain, à quoi devrons-nous y attendre ?
AB: Effectivement, nous nous appretons à tenir pour la 6e fois cet événement. Mais, il faut dire déjà que la toute première édition a été consacrée aux courts-métrages dont nous avons mené un panel autour des courts-métrages (documentaires et fictions); la deuxième édition a porté sur les films d’auteurs africains, notamment sur les longs-métrages; quant à la troisième, nous avons travaillé sur les séries-télé; la quatrième a porté sur la cinématographie des femmes, et la cinquième s’est déroulée autour de la thématique du FESPACO, à savoir « Le cinéma africain: 50 ans en arrière ».
Pour cette 6e édition de l’événement qui se déroulera du côté de l’Institut de l’image et du son/Studio-Ecole (ISIS/SE) à Ouagadougou, nous allons travailler purement sur le cinéma burkinabè, précisément sur les œuvres des auteurs burkinabè sorties durant la période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021. C’est un ensemble de films que nous avons récupéré, qui seront suivis de projections et des exposés qui seront faits par des experts. Généralement, un universitaire ou un enseignant à l’université ou encore un professionnel du cinéma qui va exposer sur sa lecture cinématographique des œuvres qui seront projetées, suivies de débats interactifs entre les participants et ces experts ou encore avec les réalisateurs s’ils sont présents.
La deuxième partie des activités sera consacrée à la rédaction de presse ou de critique de cinéma. En effet, au vu des échanges et débats qui seront menés, il y aura assez d’éléments ou outils qui permettront de faire ces rédactions. A la suite de cela, les articles écrits seront publiés dans notre bulletin cinématographique appelé « Faso cinéma » et sur certaines plateformes et groupes, notamment dans la base de données d’Afri Ciné qui appartient à la Fédération africaine de la critique cinématographique.
C’est pour nous une manière de promouvoir le cinéma burkinabè. Et je pense que lorsque les articles seront publiés, les cinéastes pourront ajouter cela à leurs pressbook.
Ensuite, nous allons terminer par la proclamation du grand Prix de la critique en 2022. Et cette proclamation est décalée au 12 octobre prochain pour coïncider avec la Journée africaine du cinéma.
ICF: Quelle est l’idée qui se cache derrière cet atelier national de production d’articles et de critique ?
AB: Il s’agit pour nous, au niveau de l’ASCRIC-B, de donner de l’engouement à la jeunesse à s’adonner à la critique de cinéma. Habituellement, les gens parlent de critique littéraire, critique d’œuvres d’art que tout le monde connaît, mais la critique de cinéma n’est pas trop encrée dans nos mœurs au Burkina Faso à tel enseigne qu’il y a très peu de personnes qui la pratique. Pour ce faire, cet atelier va consister à ratisser large, à associer la majorité des jeunes notamment les jeunes étudiants, les journalistes pour que dans les années à venir, on puisse avoir suffisamment de critiques de cinéma, surtout dans la plus part des rédactions des médias. En un mot, il s’agit de valoriser la critique de cinéma auprès du grand public afin que les gens sachent que nous sommes des acteurs très importants dans l’univers du cinéma. Aussi, pour qu’on évite de nous confondre à des « critiqueurs ». En fait, le rôle d’un critique n’est pas de détruire un film mais plutôt d’apporter un regard, une lecture sur l’œuvre cinématographique. Et cette lecture peut à la fois aider les cinéastes mais aussi les cinéphiles.
ICF: Beaucoup décrient la qualité des films burkinabè ces dernières années. Pensez-vous que le rôle du critique de cinéma peut aider à redorer le blason ?
AB: Comme je l’ai dit, nous sommes des médiateurs mais aussi des conseillers. Cela dit, lorsque nous sommes associés au départ à l’œuvre, c’est-à-dire pour qu’on puisse jeter un regard sur le scénario afin d’apporter nos critiques, cela peut aider à améliorer les choses. Deuxième, si on est associé au projet du tournage (repérage, etc), on peut aussi apporter notre grain de sel pour aider les gens à s’améliorer davantage. Et même si c’est après le tournage, ce n’est jamais trop tard. Dans ce cas, on peut nous associer pour voir les premières versions du montage afin qu’on donne nos points de vues. Mais lorsque nous sommes contactés au moment où tout est prêt à être diffusé, on ne peut faire mieux que donner ce qu’on aura constaté. Juste dire que si le critique est associé à la création de l’œuvre cinématographique, il peut beaucoup apporter dans le réajustement de certaines choses pour arriver à réaliser une œuvre de belle facture.
Alors mon message à l’endroit des cinéastes est qu’ils associent davantage les critiques de cinéma dans le processus de création de leurs œuvres afin qu’on bâtisse ensemble une industrie cinématographique digne de notre statut de capitale du cinéma africain. En réalité, c’est une fierté pour nous de voir qu’un film burkinabè engrange des records de prix.
ICF: Quel message avez-vous donc à l’endroit des cinéphiles, des communicateurs et journalistes à l’occasion de cette 6e SECRICO ?
AB: Je tiens d’abord à remercier tous les réalisateurs qui ont bien voulu accepter de nous céder gracieusement leurs films pour les projections à ce 6e rendez-vous de la SECRICO. Au total, nous avons reçu 18 films, et qui seront projetées durant six jours.
Cela dit, je tiens à inviter les journalistes à participer à la SECRICO, en ce sens qu’ils repartiront mieux outillés en vue de bien mener leur travail. Il faut que chacun arrive à avoir une culture cinématographique, surtout que le FESPACO arrive dans quelques mois.
ICF: Depuis la mise en place de l’ASCRIC-B, pensez-vous être sur la bonne voie en ce qui concerne vos objectifs ?
AB: Il faut rappeler qu’à chaque édition du FESPACO à laquelle nous avons participé, nous avons sorti un bulletin cinématographique sur les programmations de films, qui est distribué gratuitement aux festivaliers. Il est tiré à 1000 exemplaires/jour, soit 5000 exemplaires chaque édition. En dehors de cela, nous procédons à des publications mensuelles d’articles de certains films, que nous mettons sur notre blog. Cela dit, nous pensons qu’on apporte et continuons d’apporter beaucoup au cinéma burkinabè. Et c’est certain que nous sommes sur la bonne voie.
ICF: Nous sommes à la fin de notre entretien, quel est votre mot de fin ?
AB: Je tiens d’abord à inviter les cinéphiles, les journalistes, les universitaires à prendre part à la SECRICO du 6 au 13 septembre prochain. Et pour finir, mes remerciements et mes encouragements vont à l’endroit de la rédaction de Infos Culture du Faso ainsi que son premier responsable pour votre implication depuis maintenant quelques années, au développement de la culture et du cinéma en particulier. Il y a très peu de médias qui s’engagent réellement comme vous le faites, en ce sens que beaucoup pensent que la culture ne nourrit pas son homme. Cela dit, je pense qu’avec de la passion, on pourra ensemble déplacer des montagnes.
interview réalisée par Boukari OUÉDRAOGO