Créé le 4 août 1999, le musée de la musique Georges Ouédraogo est une institution publique qui a pour mission principale la collecte, la conservation et la promotion des témoins matériels et immatériels du patrimoine musical du Burkina Faso. Il fait la recherche sur les instruments de la musique traditionnelle ainsi que les valeurs liées à ces instruments. Il est l’un des trois services de la Direction de la Promotion des Musées (DPM), une des quatre directions techniques de la Direction Générale du Patrimoine Culturel (DGPC). L’actuel conservateur est Mahamadi ILBOUDO qui a bien voulu nous accorder cet entretien sans langue de bois, sur les différents aspects qui régissent le fonctionnement de cette institution.
Infos Culture du Faso (ICF) : Veuillez-vous présenter à nos lecteurs s’il-vous-plaît.
Mahamadi Ilboudo: Je me nomme Mahamadi Ilboudo. Je suis conseiller des affaires culturelles et Conservateur du musée de la musique Georges Ouédraogo depuis septembre 2020.
ICF: Un an déjà que vous êtes à la tête de ce musée, veuillez nous le présenter.
Mahamadi ILBOUDO: Le musée de la musique Georges Ouédraogo est l’un des trois (03) services qui composent la direction de la promotion des musées au Burkina Faso. Notre institution muséale a pour mission la collecte, la conservation, la promotion et la diffusion des témoins matériels et immatériels de notre patrimoine musical. En gros, nous collectons auprès des communautés des instruments de musique traditionnelle mais aussi les rythmes et sonorités qui sont distillés à travers ces instruments. Et ces missions, nous la remplissons au profit des publics scolaire, universitaire et tout public confondu. Certains y viennent pour la recherche et d’autres s’intéressent au patrimoine. Il y a ceux qui sont juste épris de culture et qui viennent se redécouvrir en ce sens que le musée, c’est une sorte de vitrine qui présente certains aspects de la culture des peuples du Burkina Faso. Il permet aussi une sorte de reconnexion avec sa propre histoire. A travers la médiation, on se retrouve dans une dimension du donner et du recevoir.
ICF: Quelle est l’importance de ce musée pour la musique burkinabè ?
Mahamadi Ilboudo: Comme le veut sa définition, un musée, c’est un lieu de mémoire, de rencontre, de partage, de médiation. Notre ambition comme le dit si bien notre slogan, c’est de faire en sorte que cette institution soit le reflet de la musique burkinabè. En vrai, faire du musée de la musique Georges Ouédraogo la vitrine de la musique burkinabè et qui soit à la fois un centre de mémoire et de recherche; parce qu’on se nourrit aussi par ce qui s’est passé autrefois. Et cela permet également de s’inspirer des pratiques antérieures pour nourrir le présent mais aussi projeter dans le futur.
Nous, nous avons une banque de données relative aux pratiques musicales de plusieurs groupes ethniques du Burkina Faso, qui se présentent en bandes sonores puis sur des vidéos VHF en consultation libre sur place.
ICF: Quel est le contenu du patrimoine musical qu’on y trouve dans votre musée?
Mahamadi Ilboudo: Parlant de notre collection, il y’a le volet matériel et immatériel. Les témoins immatériels se trouvent sur des supports physiques. Quant au volet matériel, nous avons des instruments de musique qui sont classés en quatre (04) familles. Ce sont entre autres les cordophones (instruments à cordes), les membranophones (instruments pourvus d’une membrane), les aérophones (instruments à air) et les idéophones (instruments qui produisent leur propre son). Aussi, nous avons du matériel de production acquis à travers des dons d’archives. Au total, nous avons plus de 1000 objets qui constituent nos collections toutes catégories confondues. Et c’est ce que nous travaillons à présenter au public.
ICF: Justement quelles sont les actions mises en place pour présenter ces collections au public?
Mahamadi Ilboudo: Il faut dire que le public peut venir en immersion et il aura la chance de découvrir toute cette richesse du patrimoine musical ci-dessus cité. À côté de cet aspect qui représente pour nous une sorte d’expositions permanentes, il y a les expositions temporaires que nous organisons. Toutes les deux formes d’expositions se font à travers des thématiques bien définies. L’exposition temporaire en cours actuellement s’intitule « Parcours musical : Bakary Dembélé et son tianhoun ». A travers donc cette exposition, nous avons voulu rendre homme à une figure emblématique de la musique burkinabè, Bakary Dembélé, mais aussi valoriser son inséparable instrument de musique le « Tianhoun » qui est menacé d’instinction.
ICF: Au-delà des expositions, existent-ils d’autres activités en lien avec vos missions?
Mahamadi Ilboudo : Bien-sûr ! Les expositions temporaires et permanentes sont des activités classiques. Mais au-delà de ces activités, il en existe d’autres canaux de promotion et de valorisation du patrimoine musical. En septembre dernier, nous avons lancé une plateforme numérique, un site web pour le musée (www.mmgo.bf.art). En effet, la Covid-19 est venue impacter négativement les fréquentations des musées et donc il fallait s’adapter, s’orienter vers la diffusion digitale de nos contenus. On a donc monté une exposition sur l’histoire musicale du Burkina Faso qui est présentement en cours sur le site. C’est une grande première et nous avons de très bons retours. Au cours du mois de janvier ou février 2022, nous allons continuer dans cet élan en mettant en ligne une autre exposition.
Retenez que nous faisons aussi de la médiation. C’est-à-dire que nous faisons venir des élèves, des universitaires, des étudiants autour des expositions afin de leur expliquer les valeurs qu’elles véhiculent. Quand on monte une exposition, il y a toujours un message que nous voulons transmettre et à un public cible afin de l’impacter dans le bon sens.
ICF: Quelles sont vos perspectives ?
Mahamadi Ilboudo: A terme, il y’a des ateliers d’initiations aux instruments de musique traditionnelle que nous voulons organiser. Mais il faut dire qu’il n’y a pas vraiment de cadres formels même s’il y’a l’INAFAC et certains centres culturels qui accueillent et/ou organisent des ateliers. Ainsi, nous voulons de notre côté inscrire cela comme une activité assez structurée ou des jeunes vont venir apprendre à jouer aux instruments de musique traditionnelle. Nous voulons que le musée soit un temple, un lieu de rencontres pour les artistes car il faut le dire, nous avons un auditorium de 50 places que nous mettons à leur disposition pour les cafés concerts, conférences de presse, dédicaces. De plus, le bâtiment ; en terre stabilisée est une synthèse architecturale de plusieurs groupes ethnoculturels et constitue donc un second musée, sollicité parfois pour des clips-vidéos, des émissions-télés et radios, des shooting photos.
Nous voulons également introduire un projet, une sorte de rencontres entre musique traditionnelle et celle moderne à travers un projet intitulé « liaison’’ à l’avenir ; faire la jonction entre les deux types de musique. Un autre projet que nous voulons introduire, c’est celui intitulé « les jeudis on danse, les samedis on percute. En effet, la musique et la danse ne peuvent se dissocier.
Il y’a aussi l’aménagement de notre espace. Nous comptons ériger un bâtiment pour augmenter notre capacité d’accueil; avoir une bonne salle de réserve car celle que nous avons actuellement commence à être de plus en plus exiguë; avoir une salle polyvalente là où on pourra accueillir des cafés concerts, des réunions, des expositions, etc. L’étude de faisabilité a d’ores-et-déjà démarré.
ICF: Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au niveau du musée ?
Mahamadi Ilboudo: La véritable difficulté, c’est la tutelle administrative. Contrairement à un musée comme le Musée national du Burkina qui a une autonomie de gestion, ce n’est pas le cas au musée de la musique Georges Ouédraogo. Nous sommes logés à la direction de la promotion des musées qui elle aussi est une direction technique de la DGPC. Même la prise de certaines décisions, c’est toute une chaîne, ce qui ralentit notre capacité à être proactive. Qu’à cela ne tienne, nous sommes avec une équipe formidable, nos supérieurs hiérarchiques sont perméables à toutes sollicitudes ; ils créent les conditions pour que nous puissions travailler. Depuis mon arrivée à la tête de ce musée, il n’y a jamais eu de blocage, mais pour la vision que nous avons, l’idéal serait que le musée ait une autonomie de gestion ; cela résoudrait beaucoup de questions et par ricochet permettrait la réalisation de certains projets.
ICF: Quels sont les défis à relever pour vous à la tête de ce musée ?
Mahamadi Ilboudo: Il faut dire que notre raison d’être, c’est les objets. Il faut que nous arrivons à stabiliser les différentes collections ; que les objets soient bien conservés. S’ils le sont, il nous incombe de les transmettre aux générations à venir. Le défi à ce niveau est de les porter à la connaissance du public, faire en sorte que notre institution soit connue. Autre défi, c’est de continuer à éduquer les gens au patrimoine musical. Mais le plus grand défi pour nous, c’est de faire en sorte que l’institution soit ouverte à d’autres disciplines artistiques ; et quand je venais d’arriver, ma petite idée était cela : au-delà des expositions classiques que nous organisons, comment nous pouvons inviter le théâtre, la danse et bien d’autres disciplines artistiques au musée. A ce propos, nous avions accueilli dans la dernière semaine de novembre 2021, un projet de spectacle en art plastique, installation et performance dénommé « Faufilés création ». Aussi, nous avons des projets à venir avec le Trésor Humain Vivant (THV), Konomba Traoré qui est aussi un grand plasticien et également avec le Centre Kayiri dirigé par Khader et Sahab que nous sommes entrain de démarcher pour qu’on mène une certaine forme de réflexion pour présenter un spectacle jeune public qui soit entre œuvres plastiques et performance.
ICF: Votre dernier mot.
Mahamadi Ilboudo: Je voudrais saluer toute l’équipe d’infos Culture du Faso pour le travail qu’elle abat au profit de la culture au Burkina Faso. Aussi, je tiens à rappeler les uns et les autres que le patrimoine, c’est vraiment le socle de la culture d’un peuple. De ce fait, si nous faisons tables rase de notre passé qui est plein d’enseignement, nous perdons notre identité et nous serons des êtres hybrides qui ne seront ni burkinabè, ni occidentaux. Nous avons donc intérêt à recourir à ce patrimoine pour construire quelque chose qui nous ressemble.
Interview réalisée par Boukari OUÉDRAOGO