ven 29 mars 2024

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“Aujourd’hui nous avons le seul musée africain des fourneaux africains.” Jacob Bamogo

Jacob Bamogo, le président de l’Association culturelle Passaté, bien-sûr celle qui fait la promotion du festival wedbiindé de Kaya depuis près de 20 ans. Il est aussi promoteur de la métallurgie ancienne. véritable technicien en son et lumière, ses services et la qualité son travail ont traversé les fontières de notre pays. Jacob Bamogo est enseignant dans quelques universités de la sous région, à l’ENAM et à l’ISTIC. L’homme a accepté nous recevoir pour parler de l ’état des Hauts fourneaux de la region du Centre-Nord, et il a profité lancer un cri de Coeur en de leur réhabilitation. Lisez plutôt!

Infos Culture du Faso (IFC): Pouvons-nous savoir quelle est l’utilité des fourneaux dans le Centre-Nord?
Jacob Bamogo (JB): C’est un savoir ancestral qui a existé et qui existe. Nous avons un grand savoir-faire africain mais qui n’est pas écrit mais transmis de père en fils et voilà pourquoi les occidentaux pensent qu’on ne connaît rien. On a beaucoup de choses mais il faut chercher à le savoir. On a pu faire des fouilles archéologiques à Korsimogho dans le Centre-nord qui nous a même révélé que la chose existait depuis le 8è siècle avant Jésus Christ. Même les chercheurs burkinabè d’avant n’avaient pas cette datation. Il fallait aussi avoir des ressources financières pour pouvoir faire ces fouilles archéologiques. À ce propos, ce sont des partenaires européens qui ont ont accompagné des chercheurs burkinabè pour les fouilles. Il y a des pays comme le Togo où il y a plus de fourneaux que nous mais ils n’ont pas pu bousculer pour avoir l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. On a eu l’avantage de nous organiser pour ça et d’avoir construit de nouveaux donc ça été une fierté le Burkina Faso ses hauts fourneaux inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO en juillet 2019.

ICF: De nos jours est-ce que ces fourneaux sont en activité ?
JB: Oui durant les festival! On avait voulu organisé des démonstrations chaque 6 mois et durant 10 jours pour les ministères et les étrangers vivant au Burkina Faso. Et au niveau des ministères, on allait prendre 2 à 3 personnes par week-end pour expliquer comment ça se passe pour que les gens comprennent. Mais les moyens manquent à l’association. Quand j’étais actif je ne m’inquiètais pas. Mais maintenant que je ne suis plus actif, et avec l’âge, le temps, la covid, etc. le festival peut tenir mais sans argent. Il arrive même que des pays nous soutiennent plus que notre pays. Le Niger par exemple nous donne 500 mille francs CFA parce que nous invitons les artistes nigériens. Et notre pays nous donne 200 mille francs CFA et de surcroît un an après. C’est pour dire que le Burkina Faso c’est le Burkina Faso, c’est ceux qui font beaucoup de bruit qui intéressent les gens et non la culture. Il y a combien d’associations qui se sont battues dans un domaine donné pour se faire reconnaître par l’UNESCO ? Et l’UNESCO même à reconnu notre association, on a été accrédité en 2020. Et au Burkina Faso, nous sommes deux associations accrédité mes Désormais lors de leurs rencontres, nous sommes une association qu’on consulte dans la prise de certaines décisions.

ICF: Normalement, ce musée se doit d’être un site touristique. Mais est-ce que c’est vraiment le cas ?
JB: Notre souhait est que ça devienne un site touristique. On a voulu faire la clôture de ce lieu et notre chance c’est qu’on était amis avec les taïwanais. L’ambassadeur est venu là-bas et j’ai demandé à ce qu’il nous aide. Il n’y a pas de portail, il n’y a rien et les animaux rentrent de partout. Tout cela dégrade les objets; mais les gens, on a l’impression que la culture ne les intéresse pas. Ce qui les intéresse c’est autre chose. Le site c’est un espace de 8000 mètre carré. Au moment des festivals, au lieu que les gens aillent dormir ailleurs, on aurait pu construire des dortoirs. Et également des salles pour accueillir les ateliers au lieu d’aller louer. C’est décourageant de voir le lieu se dégrader de jour en jour par manque de bâches et autres. Quand il y a eu une inondation là-bas en 2012 on a fait un SOS et c’est là foundation qui nous a aidé à reconstruire en 2013. Et on a fabriqué des bâches et autres pour couvrir pendant la saison des pluies. Et après les pluies on ouvrait et on restaurait. Actuellement les bâches sont gâtées et il n’y a pas assez d’argent pour pouvoir acheter les bâches. Pour le soutien Covid19 on nous a donné quelque chose mais ça suffit à peine pour faire la restauration. Il y avait des visiteurs qui venaient mais déjà avec la Covid19 il n’y a pas de visite.

ICF: Les visiteurs sont-ils des étrangers ou des nationaux ?
JB: Ce sont les étrangers bien-sûr mais ils ne viennent plus. Il y a également des nationaux mais pour ces derniers on ne peut pas leur demander de payer grand chose donc c’est 500 francs et pour les enfants on ne peut que faire grâce. Et ainsi de suite.

ICF: Pouvez-vous revenir sur le SOS lancé pour la réhabilitation de ces fourneaux qui sont presqu’en agonie?
JB: Le fourneau qui est tombé est même le fourneau le plus cher. Mais je suis très heureux parce qu’ils y a des gens qui ont entendu notre appel sur les réseaux sociaux. D’autres nous ont envoyé 2000 francs CFA, d’autres 5000 francs etc. Cela veut dire que la population s’intéresse à sa culture et ça fait plaisir. 2000 francs c’est quelque chose déjà et je profite de l’occasion pour leur dire merci. Mais je me dis que l’administration doit réagir. J’ai écrit pour dire qu’on a des soucis avec des images à l’appui, pour le moment il y a rien mais j’espère qu’ils trouveront une solution. On est aussi allé voir la mairie de Kaya qui a accepté nous donner des bâches et on est allé couvrir. C’est pas assez vaste mais ce n’est déjà pas mal. Cela permet de les protéger de l’eau et on leur dit grand merci. Grace à eux on reprendra pas tous les fourneaux mais une partie.

ICF: Depuis l’inscription hauts fourneaux au patrimoine mondial de l’UNESCO, dites nous est-ce que le ministère en charge de la culture vous accompagne souvent?
JB: Il nous accompagne juste comme il peut. Il y a eu une année ou il a donné 200.000 francs. Est-ce que cette somme peut faire un festival ? Il y a également une année où il a donné un million. Moi-même j’étais au ministère de la culture, ce qui a permis aussi le classement des hauts fourneaux au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais je ne comprends pas cette forme de jalousie dans le refus de nous accompagner véritablement. Durant trois éditions le Président du Faso actuel, étant à l’Assemblée nationale à l’époque, nous a accompagné. Je me suis permis d’aller à l’Assemblée nationale pour voir le Président et il m’a demandé de quel parti j’étais. Je lui dis je ne suis d’aucun parti politique mais je pense que c’est permis de venir en parler aux responsables politiques. Il m’a dit d’aller voir le protocole monsieur Balima qui m’a aussi demandé de quel parti j’étais. Je lui ai aussi dit que je n’ai pas de parti. Il dit comme j’ai eu le courage de venir, il va avoir le courage d’aller parler au Président de l’Assemblée nationale. Il est allé et il est revenu me dire qu’il accepte me recevoir. Je lui ai expliqué ce qu’on fait et j’ai demandé à ce qu’on nous accompagne. Il a accepté. A l’approche, il nous appelle et nous donne une enveloppe de huit millions. Mais, ce n’était pas sans conséquence puisqu’il voulait venir à la clôture de la dernière édition. À notre grande surprise, il n’est pas venu sous prétexte qu’aucun député de la région n’est disponible. Après ces mêmes députés m’ont appelé pour me reprocher le fait d’avoir pris le Président de l’Assemblée nationale comme parrain sans passer par eux. C’est comme ça ils ont bloqué sa venue. Il y a un dicton qui dit qu’on ne monte pas toucher le fruit et redescendre pour le lapider, on le coupe en même temps. Tout cela veut dire que nous-même fils et ressortissants de Kaya on n’est pas unis. Quand on a permis l’inscription au patrimoine mondial ce n’est pas en nos noms; c’est au nom du Burkina Faso et tout le monde a applaudi. C’était le deuxième site que nous avons pu faire inscrire à l’UNESCO. Au niveau de la région ce sont les femmes des députés qu’on décore, ça fait 21 ans qu’on existe mais on a jamais décoré notre association. Il y a des moments on se demande est-ce que c’est pas mieux de tout abandonner. Mais malgré tout on a le courage de se battre et d’aller jusqu’au bout. Je suis un fils de forgeron et c’est notre devoir de nous faire valoir. Quand vous regardez dans les réseaux sociaux, il y a un qui m’a envoyé d’Abidjan les images de la première édition depuis 2005 et ça permet de voir la technique là de A à Z. C’est pour dire que c’est bien. De manière générale, si le Burkina Faso s’appuie sur sa culture réellement, il n’y a pas de raison qu’on ne s’en sorte pas. La seule chose qu’on connaît le mieux comme le disait Thomas Sankara, c’est notre culture. On remarque juste que les gens s’intéressent plus aux festivals où il y a à manger. Mais on demande un parrain ou un sponsor pour notre événement, on ne peut pas en trouver parce qu’il n’y a pas à manger et à boire. Il faut savoir accompagner les gens dans leur tâche. Aujourd’hui, si les fourneaux ne sont pas là nous on est en vie, mais est-ce que quelque chose ne va pas manquer à notre pays. Ce sont des choses qui n’existent nul part ailleurs dans le monde. Quelque chose qui a été à la base de l’inscription de la métallurgie au patrimoine mondial de l’UNESCO. Vous direz que je parle beaucoup mais ça vient du fond de mon cœur.

ICF: Vous avez demandé à ce qu’on fasse une clôture. Dites nous est-ce qu’une clôture, c’est suffisant pour protéger ces fourneaux?
JB: Il faut dire que la clôture, c’est pour déjà protéger l’endroit contre les animaux. Avec déjà ces animaux, j’ai eu à planter des arbres mais c’est sans succès. Quand les animaux rentrent dans l’enceinte, ils rentrent sous les fourneaux pour se protéger ou ils montent dessus pour s’amuser et ça contribue à dégrader ces fourneaux. Au lieu de cela, on aurait dû avoir les bâches pour les couvrir convenablement. Les bâches se détériorent et on n’a pas les moyens pour les renouveler. Il y a beaucoup de possibilités. Beaucoup m’ont même proposé de faire en ciment, j’ai répondu non parce que si nous faisons ça en ciment ça ne sera plus naturel et on ne pourra pas faire des démonstrations a l’intérieur parce que la chaleur et le ciment c’est sur que ça ne va pas fonctionné. Il y a un chercheur nigérien avec qui on travaille qui m’a même envoyé il y a cinq jours une proposition également. C’est pour dire qu’il y a de belles propositions; mais nous on a voulu garder la chose naturelle. Les bâches arrivent à faire le travail de protection comme il se doit. On sent que c’est humide mais dès qu’on enlève les bâches avec le soleil ça se sèche. On a même mis des barbelés en fer mais les animaux arrivent toujours à se glisser pour rentrer. Sans la clôture et les portails c’est vraiment compliqué.

IFC: Comment arrivez-vous à concilier vos activités culturelles avec votre profession d’enseignant des universités?
JB: C’est une histoire effectivement réelle. Ce métier m’a permis d’aller presque partout dans le monde entier. J’ai constaté qu’il n’y a pas un pays au monde qui a pu être ce qu’il est aujourd’hui sans passer par sa culture. J’ai réfléchi et je me suis dit qu’il faut que je revienne à la base. Revenir sur sa culture a beaucoup d’importance. Il y a eu une année où un président français a dit que les africains n’étaient pas assez rentrés dans l’histoire. Je suis revenu à la base et j’ai demandé comment les forgerons arrivaient à extraire de la latérite pour produire du fer ? Comment ça se faisait ? En son temps il y a un vieux qui avait plus de 70 ans quand je suis allé le voir, il me dit qu’ils ont fait cela il y’a vraiment très longtemps mais il doit se souvenir de certains détails. Je lui dit ces petites choses peuvent être très grandes pour nous. C’est donc en 2005 qu’on a organisé la première démonstration à Dablo où je suis né, et malheureusement qu’on ne peut pas arriver là-bas actuellement. J’ai donc organisé avec les chercheurs de l’université de Ouagadougou. En son temps, il n’y avait pas de gouverneur, c’était le haut commissaire qui a quitté Kaya pour y aller et nous avons pu faire cette rencontre. Mais avant cette rencontre le vieux n’était même pas sûr de son savoir ancestral. Il m’a même dit : « mon fils, si cela ne te dérange pas, nous allons faire des démonstrations avant parce que ça fait quand même plus de 60 ans que, j’ai fait ce travail et je ne sais plus si je me rappelle bien. ». Je lui dit de faire et il a fait ça deux jours avant la rencontre des officiels. C’était impeccable et c’est lui qui dirigeait en maître de la chose. Les chercheurs comme Kientega, étaient là et c’était formidable. Le protocole a dit comme quoi le haut commissaire ne pouvait pas rester durant 2 ou 3 heures pour suivre tout cela et qu’il allait repartir. Quand on a commencé le haut commissaire lui-même a dit qu’il était venu pour ça et qu’il allait assister. Ceux qui avaient entre 60 et 65 ans n’ont pas eu la chance de voir ces techniques ancestrales. C’est donc à partir de ce moment qu’on a commencé à inviter les forgerons à chaque festival wedbindé qui viennent de partout dans l’Afrique de l’ouest. Aujourd’hui, nous avons le seul musée africain des fourneaux africains. Ça n’existe nul part ailleurs dans le monde entier. C’est chez nous au Burkina Faso et précisément à Kaya.

ICF: Avons-nous omis d’aborder un aspect que vous pourriez résumer comme dernier mot?
JB: Mon dernier mot, c’est vous dire déjà merci d’avoir pensé à nous et à notre modeste personne. Et aussi vous dire grand merci parce que votre Directeur de publication a toujours été là. Il nous a accompagné d’abord par des écrits et également dans la pratique. Il a été responsable de notre association dans la communication deux fois de suite. Ça veut dire que c’est le même combat que nous menons et ça fait beaucoup plaisir. Merci une fois de plus et que Dieu vous accompagne dans votre mission.

 

Interview réalisée par Ahoua KIENDREBEOGO (Stagiaires)

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