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Bobo-Dioulasso: « C’est déplorable qu’on ait pas jusqu’à ce jour, de salles de spectacles digne du nom », Serge Aimé Coulibaly, danseur chorégraphe burkinabè

Ce samedi 14 août 2021, le fondateur du laboratoire  »Ankata » Serge Aimé Coulibaly nous a accordé une interview malgré son agenda très chargé. L’illustre homme de culture, nous explique sa grande passion pour la chorégraphie, ses projets au Burkina et à l’échelle mondiale, ainsi que ses prochaines tournées. Rappelons qu’il a de nombreuses créations chorégraphiques à son actif, et a eu également l’honneur d’effectuer avec son groupe, la cérémonie d’ouverture de la CAN 98 et du FESPACO 99. Lisez plutôt!

ICF: Pour commencer, dites-nous comment se porte Serge Aimé Coulibaly ?

SAC : Je me porte bien et avec beaucoup de projets en cours. Ce qui fait qu’on est très occupé.

ICF : Nous savons que vous êtes très occupé en Europe, dites-nous comment se portent vos tournées ?

SAC: On s’en sort pas mal dans nos tournées. Avec la covid-19 qui a paralysé les activités un peu partout dans le monde, cela fait qu’on a perdu énormément de dates dans nos activités. Mais disons que tous les mois nous avons quelques dates. Par exemple, nous étions à la biennale de la danse de Lyon en juin, au grand théâtre du Luxembourg en juillet également à Barcelone au Grec festival et la semaine prochaine on joue à Bruxelles dans un festival. Puis le mois prochain, nous serons à Hambourg et Athènes; en novembre nous seront en Norvège. On peut dire que ça continue à bouger.

ICF : Dites-nous comment est née votre grande passion pour la chorégraphie, de la danse et du théâtre ?

SAC: C’est difficile de trouver toujours d’où vient la graine qui a grandi en toi, qui a fait qu’on est devenu artiste. Je sais que mon père était enseignant mais il jouait aussi à la guitare et il chantait. Et aussi depuis l’école primaire, j’ai toujours fait les activités théâtrales, à la fin de l’année, on faisait le théâtre, la danse, et j’ai continué ainsi au lycée. Je crois que je me suis retrouvé artiste sans aller dans une école dans l’intention de devenir artiste. Pour dire vrai, j’ai toujours aimé fabriquer les choses, et me présenter d’une certaine manière, ça m’a conduit surtout dans la compagnie Feeren de feu Amadou Bourou qui faisait du théâtre, de la danse, de la musique. Et plus tard, évidemment c’était un chemin bien tracé pour être dans des grandes compagnies en Europe, avant de créer après ma propre compagnie. C’est vraiment quelque chose qui m’a animé et depuis tout petit, il y a cette fibre artistique qui est en moi.

ICF : En tant que grand danseur et acteur, comment arrivez-vous à exercer tout ceci quand on sait que vos services sont sollicités un peu partout dans le monde ?

SAC : Je crois que j’ai une grande chance. Une grande chance parce-que j’aime mon travail et je ne considère même pas que c’est un travail. Pour moi, c’est une manière de vivre. Toute ma vie aujourd’hui tourne autour de la création artistique. Et tout ce qui touche l’art; quand je le fais, je le fais avec abnégation, assiduité, exigence.
Mais ce n’est pas quelque chose que je considère comme du travail parce que je n’ai pas d’heure ou je commence et je n’ai pas d’heure ou je fini. Je travaille tout le temps, je termine souvent vers minuit ou deux heures et celà s’est inscrit dans mes habitudes. Quand c’est comme ça, on peut facilement faire plein de choses à la fois. Si je prends le programme entre hier et aujourd’hui, je finissais la répétition d’un événement qui est en préparation, j’étais ce matin dans une réunion avec l’administration de ma compagnie en Belgique, après j’étais dans une autre réunion avec l’administration de ma structure Ankata à Bobo-Dioulasso pour travailler sur tous nos projets sur toute l’année. Et à 14h j’étais dans une autre réunion du côté de Munich en Allemagne et ainsi de suite. J’occupe pleinement les 24 heures de ma journée. Ma vie tourne autour du travail.

ICF : D’où vous est-il venue l’idée de la création de Ankata en 2014 et comment se porte-t-il aujourd’hui ?

SAC: Ankata est un projet que je porte depuis les années 2000. En 2001, je suis parti de la compagnie Feeren pour une création dans le nord de la France, puis au centre national de chorégraphique de Nantes. J’avais déjà l’ambition de créer une structure qui permettra de travailler d’une manière professionnelle, avoir une scène, une Médiathèque par exemple dans la ville de Bobo-Dioulasso qui est une ville culturelle mais pauvre en infrastructures culturelles. C’était donc important pour moi de créer Ankata. Et comme je suis un artiste qui est présent sur les cinq continents globalement, j’ai ouvert Ankata au continent africain et au reste du monde. C’est pour cela on a des activités qui pensent à l’Afrique comme  »Africa Simply the best  » qui est le concours chorégraphique solo de Bobo-Dioulasso. Cette année, nous avons reçu 64 candidatures de 18 pays et on en a retenu finalement 14 qui viennent en décembre à Bobo-Dioulasso pour la compétition. Donc disons que Ankata est une structure professionnelle qui existe à Bobo mais qui est ouvert sur l’Afrique et l’Afrique aussi regarde Ankata et sur plein de domaines. Nous avons créé avec la Sap Olympique le premier tapis de danse adapté à nos sols, climat, et besoin, nous sommes entrain de monter des gradins avec du plastic recyclé etc… Ankata est une structure avec plein d’innovations.

ICF : Vous avez fait des spectacles  »Minimini » en 2002,  »Kirina » en 2018, Wakatt en 2020 et bien d’autres. Parlez-nous de vos créations chorégraphiques.

SAC : Actuellement, ma compagnie de danse Le Faso Danse Théâtre a créé douze spectacles. Mais moi même à mon actif, j’ai créé plus d’une trentaine de spectacle. J’ai créé des spectacles en Australie, en Angleterre, en Inde, en France, en Italie, en Allemagne, etc… L’année prochaine, je vais créer un spectacle pour une compagnie à Birmingham en Angleterre et aussi pour un théâtre en Allemagne.

ICF : Vous êtes actuellement au pays, dites-nous quels sont vos projets à court et moyen termes ?

SAC : Je suis vraiment en préparation d’un gros événement. À partir du moment où on n’a pas signé de contrat, et qu’il n’y a rien d’officiel, je me ferai discret la dessus. Aussi, on a énormément d’activités. Cette année, on doit faire le coaching chorégraphique qui regroupe une vingtaine de jeunes créateurs en Afrique, il y’a aussi le concours chorégraphique solo, et la sortie de notre première promotion de formation artistique multidisciplinaire. Nous avons onze élèves qui vont sortir cette année après trois ans de formation et ça s’appelle  »Ankata Next Generation » ; et on recrute en Novembre une vingtaine de nouveaux jeunes de Bobo-Dioulasso pour les former aussi pendant les trois prochaines années. Nous avons une tournée dans plusieurs villes du Burkina Faso, avec le spectacles,  »Kalakuta republik » reprise justement par « Next Generation » pour que nos créations contemporaines puissent rentrer dans nos provinces et que ça ne reste pas seulement à Ouagadougou et Bobo.

ICF : Quels conseils à l’endroit de ces jeunes talents d’ici et d’ailleurs qui veulent emboîter vos pas dans la chorégraphie ?

SAC : La première chose, c’est de croire en soi et de travailler avec abnégation pour atteindre ses objectifs. Il n’y a pas de chance et même s’il y en avait, on doit la provoquer. Il n’y a que du travail, de la stratégie, de l’intelligence… On doit être ouvert et curieux, cherché à savoir ce qui se passe ailleurs; il faut être totalement dans la recherche et continuer à être meilleur que soi-même et pas de quelqu’un d’autre.

ICF : Que déplorez-vous dans la culture burkinabè ?

SAC : C’est une grande question. Ce que je déplore, c’est le manque de salles de spectacles digne du nom dans ce pays. Il n’y a pas de salle qui répond aux normes d’une salle internationale. Nous avons le CENASA mais avec une scène qui est assez petite et sans une vrai grille pour accrocher de la lumière; la maison de la culture de Bobo, il y a un écho pas possible dans la salle et pareil sans grille lumière, du coup ce n’est pas adapté à des spectacles professionnels mais plus adapté aux réunions et conférences. Pour un pays qui se dit culturel, c’est un peu dommage qu’on en soit là. Il y’a Amzy et Kayawoto qui ont rempli le palais des sports de Ouaga 2000 mais la salle résonne comme rien. C’est dommage pour un pays comme le Burkina.

ICF : Pensez-vous que le ministère de la culture Burkinabè fait assez pour accompagner les artistes ?

SAC : Je pense qu’il y a beaucoup d’améliorations. Aujourd’hui, à travers le Fonds de développement culturel et touristique (FDCT), il y a pas mal d’opportunités pour les créateurs. Plusieurs fois par an, il y a des appels pour déposer les projets. Il y a aussi le BBDA pour les projets chorégraphiques et autres. On peut mieux faire mais il y a déjà un grand pas qui est fait. L’autre grand problème, c’est la création artistique, c’est-à-dire comment accompagner les créateurs. Pour créer des œuvres de qualités, il faut mettre de l’argent et il faut que notre État sache identifier les porteurs de bons projets pour mieux investir dans ce qui va porter le pays au niveau interne ou externe. C’est cette identification qui n’est pas évidente au niveau du Burkina.

ICF : Votre festival se passera en décembre, est-ce qu’on peut avoir une idée de la date et comment cela va se passer ?

SAC:  »Africa Simply the best  » qui est le concours chorégraphique solo de Bobo-Dioulasso se déroulera du 08 au 11 décembre à Bobo-Dioulasso. Cette fois, ce sera entre l’Institut français et le laboratoire Ankata. On aura deux espaces cette année pour présenter les spectacles. Et il y a quatorze finalistes qui viennent de onze pays et on va accueillir toute l’Afrique pour sélectionner les trois meilleurs solos. Ces trois meilleurs solos auront des prix allant de deux millions en descendant et ils auront une tournée internationale.

ICF : Vous savez que le minaret de la mosquée de Dioulassoba s’est effondrée, que ressentez-vous par rapport à cela ?

SAC : On est frustré, meurtris et ça touche au fond du cœur et à l’âme. Quand on voit l’âme de Bobo-Dioulasso qui s’est écroulée, quelque part c’est insupportable. Quand on parle de Bobo-Dioulasso, on voit la mosquée et ensuite la gare ferroviaire. Et dire qu’on l’a réfectionnée il n’y a pas très longtemps, ça veut dire que dans nos pays il y’a un manque d’exigence. Il est clair qu’il y a des normes qui n’ont pas été respectées, sinon une mosquée qui existe depuis près de deux cent ans, il n’y a pas de raison qu’on vienne la refaire et qu’elle tombe au bout d’une année. Il y’a forcément quelqu’un qui n’a pas bien fait son travail. Et normalement, quelqu’un devrait rendre compte.

ICF : Nous vous savons très chargé, donc nous allons demander votre mot de fin.

SAC : Nous allons dire merci à Infos Culture du Faso pour sa disponibilité et sa curiosité d’aller vers les acteurs culturels et d’essayer de rendre d’une manière professionnelle nos dires et nos travaux. Avant de venir au Burkina, nous étions à Barcelone, au Greg festival qui est le plus gros festival de Barcelone et nous avons joué notre dernier spectacle Wakatt devant 2500 personnes en deux jours. C’est quelque chose d’unique dans la culture burkinabè mais on ne va pas forcement dans les médias pour faire du tapage. Les occasions que vous nous donnez nous permettent de mettre en lumière ces choses-là. Restons curieux et exigeant par rapport à nous-mêmes et par rapport à notre pays.

Crédit Photo: Raphaël Pellet

Interview réalisée par Parfait Fabrice SAWADOGO et
Jérôme SARAMBE ( stagiaire)

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