ven 22 novembre 2024

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Interview : « La mode diffère de l’habillement, la mode est éphémère c’est quelque chose qui change tout le temps mais l’habillement demeure », dixit François Ier.

François Yaméogo alias François Ier est un grand styliste, modéliste et créateur de mode burkinabè. Ce natif de Koudougou, n’est plus à présenter, car il a fait la fierté de son pays sur le plan national et  international pendant plus de 40 ans en valorisant le Faso Danfani. Passionné de la mode et du coton, il se bat pour le développement du coton biologique au Burkina et dans le monde. C’est d’ailleurs  à ce dernier, que Infos Culture du Faso à prêter son micro afin qu’il partage son expérience, ses ambitions avec ses lecteurs.

 

Infos Culture du Faso  (ICF): Qui est François Ier ?

François Ier : Je suis un créateur de mode et j’exerce ce métier depuis une quarantaine d’année entre l’Europe et l’Afrique. Actuellement, je suis revenu en Afrique et m’installer au Burkina Faso. J’ai mis en place un concept de tenue vestimentaire 100% coton du Burkina.

ICF : Qu’est-ce qu’un fabriquant de mode ?

François Ier : C’est une personne qui œuvre dans l’industrie de l’habillement, c’est-à-dire, une personne qui a une structure, des équipements adaptés, un personnel qualifié, une administration et un bureau d’étude de recherche.

ICF : Quelle est donc la différence entre un styliste et un styliste modéliste ?

François Ier : En principe, un styliste est une personne qui dessine (l’abstrait), un modéliste est une personne qui réalise le modèle, un coupeur est une personne qui coupe le modèle et le donne à la production et ceux qui cousent sont des ouvriers. En Afrique, il y a beaucoup de tailleurs qui évoluent, ce sont des prestataires de service car le client amène son modèle et le tailleur réalise le vêtement. Il s’avère que certains tailleurs crées aussi les modèles, et se disent stylistes. En réalité, on n’a pas besoin d’aller à l’école pour créer c’est inné. Sur le plan organisation et du travail ce n’est pas la même chose qu’un fabriquant de mode.

ICF : Vous avez fait plus d’une décennie en France actuellement vous vous êtes installé à Koudougou que justifie un tel choix ?

François Ier : Chacun est né avec son histoire, chez certains c’est une ligne droite et chez d’autres c’est une péripétie. Je me classe dans cette dernière catégorie. Ses péripéties m’ont permis d’être aguerri, d’avoir  une expérience de la vie. En France, je suis passé de modéliste styliste à responsable des responsables et fabriquant.  D’ailleurs, je le suis toujours car j’ai une société là-bas, avec le phénomène de mondialisation, en France nous travaillons avec des quotas. Ensuite, il y a eu une mode venue d’ailleurs qui à envahit l’Europe c’est-à-dire la Chine, qui ne fait que fabriquer à grande échelle. Cela est devenu compliqué, il fallait donc  aller dans les petites séries et je me suis demandé pourquoi ne pas retourner en Afrique ? J’ai commencé en Coté d’Ivoire c’est un pays que je connais très bien. J’ai mis également une représentation au Mali, au Gabon et j’ai commencé à faire la distribution à ceux qui avaient les petites boutiques. Je faisais 70% de mon chiffre d’affaire en Côte d’ivoire. Malheureusement, il y a eu la guerre et j’ai perdu beaucoup d’argent. C’est suite à ses évènements, que j’ai décidé de délocalisé tout mon matérielle au Burkina Faso. Arrivé au Burkina, il était difficile de commencer en industrie vue le contexte environnemental. Mais après 10 ans de travail entre chercher la matière première « le Faso Danfani », le retravaillé pour lui donner de la qualité je me suis dit que je pouvais passer à la semi-industrialisation. Le choix de revenir ne dépend pas de moi mais de Dieu car je suis un croyant.

ICF : Quel bilan faites-vous de votre installation à Koudougou ?

François Ier : Le bilan est positif c’est un projet qui a été bien accueilli par la population. Cela a permis aux jeunes qui travaillent avec moi de ne pas se rendre en ville pour chercher du travail. Ce travail leurs permet d’avoir un salaire décent afin de s’occuper de leur famille.

ICF : Comment appréciez-vous l’évolution de la mode au Burkina Faso ? Pouvez-vous définir la mode ?

François Ier : La mode diffère de l’habillement, la mode est éphémère c’est quelque chose qui change tout le temps mais l’habillement demeure. Je suis pour l’habillement car elle est économique et culturel. La mode au Burkina est une passerelle entre le Burkina et le monde donc multiculturelle. Actuellement la jeunesse s’inspire de ce qui se passe dans le monde. Ce qui est bien chez nous c’est qu’on s’inspire de ce qui se passe dans le monde avec notre matière première. Il y a des pays qui n’ont pas de matière première. Par exemple j’ai été en Afrique de l’est ils n’ont pas cette chance comme nous. C’est cette mode qu’on va développer et la vendre aux autres.

ICF : Les difficultés rencontrées lors du Salon international du coton et du textile (SICOT) ?

Les difficultés sont énormes mais quand on à la main de Dieu c’est bon. Le SICOT m’a choisi pour animer un panel et faire un  défilé pour montrer la contribution de la mode à l’économie et au développement de la culture. Ce défilé  devait représenter les pays membre du C4, les pays qui ont défendu le coton à Égypte à savoir le Mali, le Burkina, le Bénin, le Tchad. Les responsables ont donc prit un représentant de chaque pays mais il y a des gens qui ont pensés que l’Etat m’avait donné de l’argent pour le faire et que je ne les avais pas intégré. Beaucoup ont mal prit mais ça ne m’as pas dérangé car, je sais que l’Etat ne m’a pas donné des millions pour le faire et on ne m’a pas dit de prendre des gens et j’ai refusé. C’était un salon de recherche, de réflexion, de rencontre et non un salon festif. Ceux qui ont toujours un esprit festif qu’ils comprennent que le Burkina Faso est en train de changer. Je n’ai rien contre le festif mais qu’on fasse moins de festif et qu’on aille vers l’esprit de développement, vers l’industrie culturel et travailler. Les ministres qui aiment le festif qu’ils financent leur association et aillent  danser mais laisser les gens travailler.

ICF : qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que le salon réponde à ses objectifs ?

François Ier : Vous savez, le président Félix HouphouëtBoigny disait dans les années 70 aux ivoiriens « je ne vous dit pas de ne pas chanter et  danser mais chanter et danser moins tournez-vous vers la technique et la  technologie ». Si on veut  se développer il faut qu’on comprenne qu’il y a un temps pour jouer, un temps pour danser, un temps pour pleurer et un temps  pour travailler. Ce salon se veut un salon professionnel donc je demande qu’on amène des professionnels pour qu’ils partagent leurs expériences avec les gens. Ce n’est pas normal qu’on ait le coton et que ce coton ne soit exploité qu’à 3%. Le coton ne se limite pas à l’habillement, il y  a beaucoup de choses qu’on peut faire avec le coton par exemple les draps, les chaussettes, les t-shirts et  bien d’autres. C’est ce que Thomas Sankara voulait, donc si ce président a pu le mettre en pratique c’est bien. Quand on parle d’acteurs de la mode il y a aussi les banques, les techniciens, les journalistes  car il faut communiquer pour trouver des solutions. En Europe des salons comme celui-ci existe c’est ce qu’on appelle « première vision ». Je pense que le SICOT est un salon d’avenir.

ICF : La mode africaine peut-t-elle s’industrialiser comme ailleurs ?

François Ier : Je pense que la mode africaine ne peut pas s’industrialiser comme ailleurs, elle peut s’industrialiser à sa manière en petite et moyenne entreprise comme en Italie. La Chine aussi à commencer de cette même manière. Nous sommes dans une mode qui est un peu lier à notre patrimoine culturel de créativité avec de petit volume car les grosses structures nous étouffent et s’étouffent à leur tours, car ils n’arrivent pas à écouler une grande partie de leur production.

ICF : Pourquoi avez-vous opté pour le coton conventionnel et  bio ?

François Ier : Quand je suis arrivé au Burkina, il y avait le coton OGM et je ne me sentais pas dans le coton OGM mais au fur et à mesure le Burkina a choisi de faire du coton conventionnel et bio donc je peux maintenant travailler avec le conventionnel et le bio.

ICF : Quel est l’avantage du coton bio pour un styliste comme vous ?

François Ier : Le coton est noble. Vous savez, en Europe il n’est pas donné à n’importe qui de porter une chemise en coton bio. Ce coton a une valeur ajouté.

ICF : comment faire pour promouvoir le coton bio ?

François Ier : Aujourd’hui tout le monde est unanime qu’il faut travailler pour développer le coton biologique. Il y a une usine qui sera mise en place à Koudougou pour l’égrenage du coton biologique. Avant, ce n’était pas facile car seule la SOFITEX égrainait tout le coton et il fallait ensuite nettoyer les machines afin d’éviter de contaminer le coton bio. De nos jours l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB) sensibilise les gens afin qu’ils cultivent le coton biologique. On dispose aujourd’hui du fil de coton bio ce qui n’était pas possible il y a 5 ans de cela car il fallait le commander au Mali. C’est une bataille qu’on a gagné.

ICF : Quelle expérience tirez-vous des formations que vous avez donné ?

François Ier : Je suis la personne qui ne demande jamais on m’appelle chaque fois dans les autres pays pour que j’anime des panels et des conférences sur la semi-industrialisation. Mon centre dispose maintenant d’un espace pour faire la formation. Ces formations seront des formations d’élite, de haut niveau, d’art vestimentaire, la technologie d’habillement. Lorsqu’une personne quittera mon centre il sera capable de diriger une entreprise d’industrie textile. Ces formations débuteront en 2019.

ICF : Quel conseil avez-vous à donner aux tailleurs qui font face à la friperie ?

François Ier : En supprimant la friperie nos pays risquent de ne pas avoir de financement. Mais actuellement plus de gens s’intéressent au Faso Danfani, donc il y a un patriotisme économique qui se développe. Même le blanc préfère acheter ce qui est fabriqué chez lui que d’acheter ce qui est importé.

ICF : Que pensez-vous des maladies causées par la friperie ?

François Ier : Ce n’est pas seulement la friperie qui cause des maladies aux gens mais nous avons également les aliments importés donc je préfère ne pas entamer ce débat. On vit dans un monde où il y a l’ouverture des marchés sans contrôle stricte.

ICF : Votre dernier mot ?

François Ier : J’ai eu l’honneur d’avoir la visite du chef de l’Etat qui est venu de manière imprévue à l’inauguration de mon unité semi-industrielle contrairement au ministre de la culture à qui j’ai demandé d’être le parrain et qui ne m’a jusque-là pas répondu et que j’attends toujours. Je dis merci au président.

 

Interview réalisée par Parfait Fabrice SAWADOGO

 

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