ven 19 avril 2024

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« Les autorités du pays doivent travailler à faire du statut de l’artiste une réalité », Abdoulaye Komboudri, comédien

C’est sans doute l’un des acteurs comédiens les plus prolifiques du pays des hommes intègres, sinon même du continent africain. Abdoulaye Komboudri ou Fils de l’homme pour les amateurs du petit écran, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était l’invité de notre rédaction. Nos échanges avec lui ont surtout porté sur sa riche carrière et sur bien d’autres sujets concernant le cinéma au Burkina Faso.

Infos Culture du Faso (ICF): Aujourd’hui, vous faites partie de ces hommes de cinéma les plus influents du Burkina, dites-nous comment est née cette passion pour le 7e art ?

Abdoulaye Komboudri (AK): Bien avant de vous répondre, permettez-moi de vous remercier pour la considération de m’avoir convié pour parler de moi et ma carrière. Aussi, je voudrais m’incliner devant tous ceux du 7e art qui nous ont quittés. Parmi eux, beaucoup ont contribué à faire de nous des comédiens dignes du nom. Aussi, mes salutations vont à l’endroit de nos Forces de défense et de sécurité qui combattent contre les forces du mal.
Il faut dire que j’ai commencé ma carrière dans le monde du théâtre aux alentours des années 84-91. En son temps, j’étais à l’Assemble artistique de la radio et de la télédiffusion. Donc j’étais comédien de théâtre, notamment sur scène et radiophonique. Je suis arrivé dans cet Ensemble artistique à travers un test. Et à un moment donné, j’ai compris que je pouvais faire carrière mais à cette époque, le côté pécuniaire n’était pas ma priorité. C’était surtout une contribution artistique que je voulais apporter et partager avec tous ceux-là qui m’ont accepté en tant que comédien, en ce sens que l’art est constitué de messages à faire passer. Et moi, j’étais très content de faire partie de ceux-là qui transmettent des messages venant des metteurs en scène et des réalisateurs de cinéma.

ICF: Vous passez de comédien de théâtre à acteur de cinéma, dites-nous comment cela s’est passé?
AK: En tant que comédien de théâtre à l’Ensemble artistique, on avait quand même un peu de connaissances en cinéma car certains cinéastes qui étaient à l’INAFEC en son temps venaient partager des cours pratiques et nous parlaient également de leur vision du cinéma. Cela m’a beaucoup aidé à avoir l’amour du métier d’acteur. Il faut dire aussi que l’Ensemble artistique était le réservoir des comédiens burkinabè. Et tous les réalisateurs burkinabè et d’ailleurs qui voulaient faire des tournages, venaient y puiser des comédiens. On en veut pour preuve des films comme « Wend kuuni » de Gaston Kaboré, « le jour du tourment » de Paul Zoumbara, « Le courage des autres » de Christian Richard, et bien d’autres.

ICF: Parlez-nous de votre tout premier pas dans le cinéma.
AK: Mon premier pas dans le cinéma, c’était avec Monsieur Taoko auguste Rock (Paix à son âme), réalisateur à la Télé Nationale dans le téléfilm « Aube nouvelle ». Et après d’autres réalisateurs sont venus à la recherche de comédiens. Et un jour, il y en a un qui est venu à la recherche de comédien pour un long-métrage; je me suis présenté et il m’a dit que je ne pouvais pas faire son affaire. Et il faut dire que durant plus d’un mois, il n’avait pas pu trouver un des personnages clés de son film. Ça en est ainsi qu’à travers des conseils de certains, que son premier assistant est revenu vers moi. C’est comme ça que j’ai pu jouer pour ce film dont le titre était « Laafi » ou j’ai incarné le personnage de L’homme du peuple qui m’a valu le prix du meilleur comédien burkinabè à la 12e édition du FESPACO et en plus une invitation en Belgique pour le Festival de NAMUR. Ce film était du réalisateur Pierre Yameogo. J’ai réalisé à travers ce film que j’avais un talent et j’ai lié à partir de là, une relation professionnelle et fraternelle avec lui.
Mais pour une première fois, j’avoue qu’il y’a une sorte de rigueur, celle de pouvoir remplir sa mission avec professionnalisme. Même la nuit venue, il n’y avait pas le sommeil. D’ailleurs je me suis confié à quelqu’un en son temps, un devancier du nom de Simplice Sama, pour recueillir conseils. Ses conseils se résumaient au fait d’avoir le sang-froid, moins de gestes, l’émotion, le déplacement, la maitrise du texte et du personnage, avoir moins de pression, rester naturel, et enfin. Tout cela a beaucoup contribué à la réussite de mon personnage.

ICF: Qu’est-ce qui faisait de vous un bon acteur de cinéma en son temps ?
AK: C’est une question de conviction, celle qui stipulait que je pouvais absolument apporter quelque chose au cinéma de mon pays. Et comme je vous l’ai dit au début, l’argent n’était pas ma priorité, c’était plus de la passion à ce moment. J’étais piqué par ce virus artistique et qui sommeillait en moi. Tout cela m’a poussé à donner le meilleur de moi-même. La preuve en est que les réalisateurs burkinabè et d’ailleurs m’ont fait confiance et m’ont toujours sollicité sur leurs plateaux de tournage.

ICF: Vous avez eu une filmographie riche. Alors que retenez-vous de cette carrière ?
AK: Je dirais que je me suis fait une grande place dans le cœur des cinéphiles, des réalisateurs, parce que les rôles qui m’ont toujours été attribués, j’ai essayé tant bien que mal d’incarner le personnage comme il se doit. Pour dire vrai, j’ai eu une autre famille en dehors de ma famille biologique, une famille dans la société composée de femmes, d’hommes, enfants et vieux. On ne peut pas être parfait, mais à 80%, les gens m’ont accepté. C’est ce qui représente aujourd’hui ma richesse. Même si je venais à disparaître, les gens parleront toujours de moi à cause de ce qu’ils ont retenu de moi au cinéma. Quand je suis dans les rues par exemple et qu’on m’appelle Fils de l’homme ou L’homme du peuple et certains pseudonymes, ça me fait chaud au cœur et c’est devenu comme une sorte de thérapie pour moi.

ICF: Mais ce métier nourrit-il son homme?
AK: Il n’y a pas de métier qui ne nourrit pas son homme si on le fait bien et que les conditions sont réunies. En principe, ici au Burkina Faso, c’est un peu compliqué parce que nous artistes, avons un problème; si Dieu fait bien les choses et que le régime qui vient de s’installer pense à nous, on serait très heureux. Je veux en venir sur le statut de l’artiste. Si nous l’avons, nous aurons gagné mais à la condition qu’il y ait beaucoup de productions de réalisations de films et de marketing. Depuis des années, nos aînés ont tout fait en vain. Et aujourd’hui, nous continuons le même combat. Juste dire que notre salut viendra de ce statut. C’est ce statut qui permettra de réunir les conditions et de respecter les barèmes de paiements des cachets. Mais pour le moment, nous sommes dans l’informel.

ICF: Quels types de difficultés rencontre-t-on dans ce milieu d’acteurs cinéma ?
AK: Comme je vous l’ai dit, nous sommes dans l’informel. Pour ce faire, il y’a un manque de considération. Même la direction artistique fait aujourd’hui défaut. Tout cela est dû à une incompréhension de a vision du cinéma. Cependant, je trouve qu’il n’y a pas de rigueur de travail vis-à-vis de la direction artistique. Je trouve que la faute est aussi à incomber aux réalisateurs. Quelque part, notre génération a eu la chance d’être encadrée mais malheureusement celle d’aujourd’hui pense qu’elle est déjà arrivée, elle a une aire de suffisance.

ICF: Que pensez-vous du cinéma de façon générale au Burkina Faso ?
AK: D’abords je suis très heureux qu’il y ait beaucoup de jeunes qui ont choisi de venir dans le cinéma car à notre époque, c’était très restreint. Et si vous regardez aujourd’hui, beaucoup de doyens qui ont fait les beaux jours du cinéma burkinabè ont été rappelés à Dieu, donc il fallait qu’il y ait une relève. Et même si ce n’était pas préparé, Dieu merci il y’a eu l’initiative de l’ISIS-SE qui a vu l’émergence de beaucoup de jeunes réalisateurs. N’eut été vraiment cette initiative, ça aurait été catastrophique pour notre cinéma en ce sens que nous sommes quand même la capitale du cinéma africain à travers le FESPACO. Mais malheureusement, il y’a des manquements sur le terrain. Beaucoup commencent à s’en sortir mais ça se compte au bout du doigt. Par exemple, il y’a des réalisateurs qui non seulement écrivent le scénario eux-mêmes mais pire te produisent un long-métrage en moins de deux semaines Cela témoigne du manque de sérieux dans le travail. Ça devrait être un travail bien organisé et structuré avec des experts dans chaque étape et pour un objectif bien précis. La vision, c’est de conquérir les grands festivals, remplir les salles de cinéma à l’intérieur et à l’extérieur du pays en vue de se faire de l’argent pour s’autoproduire que d’attendre toujours de l’Etat en ce sens que le cinéma et une industrie.
Les grands cinéastes comme Idrissa Ouédraogo, Gaston Kaboré et bien d’autres, ont fait de grandes écoles de cinéma à l’image de l’INAFEC et également en Europe, ils ont tous commencé par des courts-métrages avant de se lancer dans les longs-métrages. C’est en réalité un film de test avant de se lancer définitivement. Ces personnes-là ont remporté des prix au niveau national et international avec leurs courts-métrages. Et le moment venu de faire les longs-métrages, ça leur a facilité la tâche vu qu’il y’a eu une confiance qui s’est installée vis-à-vis des partenaires techniques et financiers. Au passage, je souhaiterais que l’ISIS-SE y pense à aussi former des comédiens que seulement des techniciens et réalisateurs car un réalisateur a toujours besoin de bons comédiens pour la réussite des personnages.

ICF: Quelles sont vos doléances à l’endroit des autorités pour résoudre une fois pour toute les difficultés rencontrées ?
AK: Écoutez, nous en avons trop fait. Nos aînés comme les Sotigui Kouyaté, Amadou Bourou, ont assez entrepris des démarches allant dans le sens d’obtenir le statut de l’artiste. Les dossiers sont là, il y’a selon moi un manque de volonté politique. La question du statut de l’artiste résoudrait une partie des problèmes des artistes que nous sommes. Aujourd’hui, il y’a une transition qui est en place et nous avons des représentants à l’Assemblée. Ceci dit, la question du statut devrait être leur priorité en termes de lutte. Nous espérons que les nouvelles autorités travailleront à rendre cette question de statut de l’artiste, une réalité. Mais pour y arriver, nous-mêmes artistes devront restés soudés. Si nous parlons le même langage, les autorités n’ont d’autres choix que de nous écouter.

ICF: Quels sont vos projets à court et moyen termes ?
AK: Il y’a une grande série en Côte d’Ivoire où j’ai été invité à incarner un rôle. C’est un projet qui date de trois à quatre ans maintenant. Et on espère que d’ici là, on débutera.

ICF: Nous sommes aux termes de notre entretien, quel est votre mot de fin ?
AK: Je profite pour remercier le Directeur de la Télévision Nationale qui nous a approchés pour voir dans quelle mesure reprendre la série télévisée « Vis-à-vis ». Et aujourd’hui, c’est une réalité, la série passe à la télé. C’est une approche qui a plutôt enchanté toute l’équipe de cette série qui a fait la belle époque. Et c’est comme je l’ai dit, c’est une question de volonté politique. Ce geste est à saluer en ce sens que cette série dépeint les méfaits de la société. Cette série était comme une sorte de thérapie pour la société dans toute sa composante. Pour cela, je lui réitère toute ma gratitude et que son geste fasse tache d’huile afin que d’autres emboîtent le même pas pour le bien de notre cinéma. Aussi, mes remerciements vont à l’endroit de notre réalisateur Abdoulaye Dao qui s’est beaucoup investi pour cette série. Du reste, les autorités devraient arrêter les beaux discours et songer à beaucoup plus investir dans la culture car c’est notre identité. Je tiens également à vous réitérer mes remerciements pour l’invitation. Et enfin, j’insiste et je persiste pour l’adoption du statut de l’artiste et vous en tant que homes de medias, mettez la main dans la pâte.

 

Interview réalisée par Boukari OUÉDRAOGO

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