Le Burkinabè Frédéric Lino GUIBRÉ a été désigné, le samedi 11 novembre dernier, « meilleur présentateur Live de l’Afrique » au festival Stars de l’Intégration Culturelle Africaine (SICA) au Cameroun, au cours d’une cérémonie de remise de trophées. Celui que ses admirateurs appellent affectueusement « Gõmn’d Nãaba » ou « Maître de la parole », nous decline sa vision de son corps de métier dans un entretien exclusif qu’il a accordé à Infos Culture du Faso (ICF). Comment est-il arrivé dans ce métier, quels sont ses sentiments après avoir eu la distinction, qu’est-ce qui fait sa particularité, c’est entre autres questions que nous avons abordées avec le « Gõmn’d Nãaba » qui a répondu à nos questions sans langue de bois.
Le monde culturel burkinabè a été honoré le samedi 11 novembre avec le trophée du « meilleur présentateur Live de l’Afrique » décerné à Frédéric Lino GUIBRÉ dit « Gõmn’d Nãaba », à l’état civil Frédéric Lino GUIBRÉ, à la 17e édition du festival Stars de l’Intégration Culturelle Africaine (SICA) au Cameroun. Il aurait fallu attendre 18 ans après le trophée remporté par le présentateur hors pair, Alpha Ouédraogo dit « Alpha O » en 2005, pour voir un second Burkinabè sur hissé sur la plus haute marche du podium à ce même festival où plus de 12 pays y ont pris part cette année.
Arrivé dans le milieu de Maître de Cérémonie communément appelé MC, parce qu’il n’arrivait pas à joindre les deux bouts au lycée alors qu’il fallait en plus payer la scolarité, Freddy Lino, a commencé d’abord avec la sonorisation d’un grand-frère du quartier qu’il louait aux gens. « C’est dans la location de la sono que j’ai eu l’envie de faire le Jiging (DJ). Donc, dans la location des sonos on animait en même temps », a confié le présentateur talentueux dont les mérites ont été reconnus et récompensés au Cameroun.
Celui dont la formation de la série G2 prédisposait à être comptable dans la société, a relevé que beaucoup de MC à l’époque « s’amusaient avec les cérémonies des gens ». C’est ainsi qu’il a commencé à s’auto-former en regardant les vidéos d’animations de certains doyens, dont monsieur Désiré Kodjo, un homme qui l’a beaucoup inspiré, qu’il a remercié de passage. « Quand on était jeunes, c’est eux qu’on partait regarder. Aujourd’hui on rend grâce à Dieu car on a essayé aussi de tracer notre chemin », a-t-il dit.
Selon Freddy Lino, « aujourd’hui le talent seul ne suffit pour faire certaines choses en présentation. Beaucoup de gens me demandent souvent pourquoi tu ne présentes pas les Kundé et je dis chaque chose aura son temps. J’ai présenté presque toutes les grandes cérémonies chez moi sauf les Kundé mais ça va venir, ça va se faire. On va encore travailler jusqu’à ce qu’un jour on nous appelle », a-t-il soutenu.
C’est pourquoi, sa distinction à la 17e SICA, est une « fierté » pour lui parce que ce prix signifie que de l’extérieur, il est « admiré et ce n’est pas rien ». « C’est vraiment un sentiment de satisfaction. Lorsque vous avez obtenu un trophée pareil, ça veut dire que vous devez travailler à vous améliorer pour être encore meilleur que les années précédentes », s’est-il fait comprendre.
Il a dédié son trophée au peuple burkinabè car pour cette compétition, il fallait aussi des votes sans qui ce ne serait pas évident. « Les gens ont beaucoup voté pour moi », a-t-il salué, dédiant en particulier son trophée aux Forces de défense et de sécurité (FDS) et aux Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) parce que son pays traverse actuellement des moments difficiles. « A mes débuts de présentateur, j’ai eu la chance d’aller à Djibo, Gorom-Gorom, etc. », des villes qui ploient ces dernières années sous le poids du terrorisme, a-t-il laissé entendre.
Comme particularité dans ce corps de métier, il a précisé qu’il y a plusieurs niveaux de MC dont le dîner gala, les soirées privées, les mariages, les cérémonies solennelles, et les concerts grand public. Mais, il a voulu toucher à tout. Freddy Lino est arrivé à travers ses posts sur les réseaux sociaux à faire comprendre que le métier de présentateur ou MC est « aussi un boulot à part entière et qui a sa place dans la société ». C’est pourquoi, ce MC qui a un style vestimentaire remarquable puisqu’il y met du cœur, a invité la nouvelle génération de présentateurs qui arrivent dans le domaine à faire la différence avec leur mentor qui les ont inspiré.
« Ce métier me permet de vivre et de nourrir ma petite famille. Ce métier peut être encore mieux valorisé. Ceux qui connaissent le métier de MC, quand ils viennent demander nos prestations, ils ne veulent pas souvent négocier car ils savent que ce n’est pas un boulot simple », a confié le meilleur présentateur de scène live en 2023. « Aujourd’hui, on n’a pas un prix fixe. On me dit que je suis cher alors que c’est mon boulot. Souvent j’aide quand je peux mais pas au point de dévaloriser le métier car il y a un minimum pour tout », s’est-il défendu, rassurant que leur métier n’est pas réservé à une classe sociale donnée. « Tout le monde peut bénéficier des services de Freddy. Il faut savoir négocier. Il faut travailler à respecter mon corps de métier, mon travail », a-t-il martelé.
« Aujourd’hui j’ai 13 ans dans ce métier. Quand j’ai commencé, la première fois que j’ai touché un cachet, c’était 75 000 FCFA. Et en 2023, des gens veulent que je descende en deçà, je dis non. Pour moi, actuellement, un minimum pour un MC au Burkina, c’est 250 000 FCFA », a estimé le Gõmn’d Nãaba qui dit avoir eu la chance qu’un congolais qui a visité sa page s’est attaché ses services pour la présentation d’une cérémonie.
« Il m’a donné 1 million FCFA. Aujourd’hui, les gens doivent être capables de rémunérer un MC à 1 million FCFA ou 1 500 000 parce qu’ailleurs ça le fait», a-t-il révélé, continuant que le présentateur est «le seul gars qui peut vous faire retenir quelque chose de votre mariage toute votre vie », a-t-il justifié.
Interview réalisée par Parfait Fabrice SAWADOGO