sam 23 novembre 2024

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Production et diffusion audiovisuelle au Burkina Faso: le journaliste et cinéaste, Jacob Sou, opte pour le développement local durable à travers les TIC

Le monde entier a connu un boom numérique ces deux dernières décennies. Une avancée technologique significative qui se doit d’être un excellent avantage dans le processus de développement de nos pays. C’est du moins ce que Jacob Sou, administrateur civil à la retraite, journaliste et cinéaste, prévoit de mettre à contribution à travers son projet « Le numérique et les Technologies de l’information et de la communication (TIC) au service du développement local durable au Burkina Faso ». Et de passage dans nos locaux à Ouagadougou, ce baobab de la culture burkinabè revient, sans langue de bois, sur son parcours dans le monde du journalisme, du théâtre, et du cinéma, le tout en apportant plus de précisions sur son projet. Lisez plutôt !

Infos Culture du Faso (ICF) : Dites-nous qui est Jacob Sou pour nos lecteurs ?

Jacob Sou (JS) : Pour commencer, je me nomme Sié Lamoussa Jacob SOU, communément appelé Sou Jacob, du fait de mon passage à la radio où cette appellation est devenu en quelque sorte mon pseudonyme. Si la fonction publique du Burkina me connait comme Administrateur Civil, j’ai pris une retraite anticipée depuis 1986 pour pouvoir exercer à plein temps les métiers que j’aime et pour lesquels j’ai été également formé, c’est-à-dire journaliste, producteur, metteur en scène, réalisateur, comédien de théâtre et cinéma.

Je suis né à Diébougou, dans la province de la Bougouriba, que j’ai quitté très jeune pour mon parcours du primaire et du secondaire à Bobo-Dioulasso, suivi de mes formations et parcours professionnels à partir de Ouagadougou la capitale..

ICF : D’administrateur civil, vous êtes donc devenu journaliste et artiste, dites-nous comment est-ce que cela est arrivé ?

JS : Pour dire vrai, j’ai commencé à m’intéresser au domaine des arts dans mes années d’élève au secondaire, précisément au lycée Ouezzin Coulibaly (LOC) de Bobo Dioulasso, notamment la chanson et la toumba. Mais plus tard, m’étant rendu compte que j’étais orphelin de père, perdu très tôt, et qu’il fallait se mettre au sérieux.
La musique que j’aimais n’étant pas considérée à l’époque comme un métier sérieux, j’ai décidé de laisser le destin trancher : je passerais le premier concours venu et si je suis admis, adieu la musique. Si NON, je fais la musique.
On était en 1966, et j’étais en classe de seconde.
Le premier concours venu fut celui de l’Ecole nationale d’administration (ENA) où je fus « malheureusement » pour la musique, admis, et même en bonne place. J’ai donc rejoint Ouagadougou pour ma formation.

Après ma formation, j’ai été affecté au ministère de l’information, des postes et des télécommunications, précisément au département de l’information où je me suis rendu compte plus tard, que mon destin semblait m’attendre.
J’y étais le chef du personnel, et j’étais aussi chargé d’apporter les communiqués officiels à la radio et à la presse écrite appelée à l’époque Bulletin Quotidien (BQ).
Et c’est là qu’est née ma passion pour la radio. Par la suite, j’ai fait savoir à mon ministre de tutelle de l’époque mon amour pour la radio au détriment de mon poste au ministère, chose qui n’a pas été du tout à son gout.
Néanmoins, comme dans la foulée un test de recrutement de vacataires appelés pigistes venait d’être lancé à la radio, il m’a permis de le passer, croyant me voir échouer, ce qui lui aurait permis de me garder définitivement dans son département (rire). Mais Dieu faisant, j’ai réussi. Alors, il a fait une note de service m’affectant au service du journal parlé à la radio, mais en dehors de mes heures de service au ministère, ce que jnai accepté et pendant plusieurs années, j’ai travaillé NON STOP pratiquement de 5 h, à l’ouverture des émissions de la radio, à 23 heure à laquelle la radio stoppait ses émissions.
La note de service ayant eu le « malheur » de préciser « journal parlé », précision que moi je n’avais pas demandé à mon ministre, le patron du JP, croyant que c’est parce que je venais de l’ENA que je me croyais tout permis, l’a très mal pris, et j’ai été affecté au service des programmes qui est celui que moi je préférais en réalité : les communiqués et, surtout, le concert des auditeurs.
Ce sont les auditeurs qui, parait-il, aimaient bien ma voix, ont réclamé un moment, et avec insistance, que je fasse aussi le JOURNAL PARLE, et on m’affecta au dernier JP de la journée dont personne ne voulait, celui de 22 h 15, et je fus même un moment surnommé « 22h 15 ».
Ce que le patron du JP n’avait pas prévu, c’est que, parce que les auditeurs aimaient bien ma voix, plusieurs auditeurs attendaient 22h 15 pour écouter les informations.
Quand le patron du JP s’en est rendu compte, il a commencé à me programmer comme tous les autres.

ICF : Est-ce à la radio qu’est née votre passion pour le théâtre ?

JS : Non ! Pas vraiment. C’est dès l’ENA où j’ai vu jouer, par la Troupe Nationale de Théâtre de Côte d’Ivoire, la pièce de théâtre MONSIEUR THOGO GNINI de l’ivoirien Bernard Binlin DADIE, qui traitait de choses sérieuses en faisant rire les gens. J’ai décidé dès ce moment que, si c’était ça le théâtre, ça m’intéressait et, plus tard, dès que j’en avais l’occasion, je mettais en scène la pièce de théâtre MONSIEUR THOGO GNINI, que j’ai même adapté plus tard au cinéma.

Et trois ans après mon entrée au ministère, la fonction publique permettant de se présenter à un concours pour passer du cycle C au cycle B, et, comme par hasard, un concours du même type avait été lancé, autorisant les admis à aller effectuer leur cycle B dans une université au Canada, j’ai passé ledit concours et, en même temps avec succès, mon BAC (série A4) en candidat libre.

Et c’est comme ça qu’étant admis au concours pour aller étudier au Canada (nous étions deux, à la fois promotionnaires du LOC et de l’ENA), cela m’a permis en ce qui me concerne, en même temps que les cours d’administration publique, de m’y inscrire sur fonds propres pour étudier le journalisme, le théâtre et le cinéma.

Il faut dire aussi que, sur place, j’ai pris également le temps de faire du théâtre où je jouais les rôles principaux, pièces de théâtre que je prenais le soin d’intégrer dans des SEMAINES AFRICAINES et FIN DE SEMAINES AFRICAINES dans des universités francophones au Canada, en commençant par l’Université d’Ottawa, la capitale fédérale du pays, manifestations bien appréciées en son temps par les ambassadeurs des pays africains au Canada, et particulièrement, l’ambassadeur de la Haute Volta.

Au final, il semblait que je me préoccupais plus du théâtre que de ce pourquoi j’étais là. Mais pas du tout. J’en ai profité pour étudier dans tous les autres domaines qui m’intéressaient, et je suis revenu en Haute Volta, devenu plus tard Burkina Faso, avec un MASTERS en administration publique acquis à l’Ecole Nationale d’Administration Publique (ENAP) de l’Université du Québec, avec une spécialisation en ARTS ADMINISTRATION au HARVARD BUSINESS SCHOOL aux USA.
Ces diplômes que j’ai renforcés avec un BACCALAUREAT GENERAL DES ARTS (licence) : radio, télévision, théâtre et audiovisuel à l’Université Laval, au Collège des Annonceurs Radio-Télévision (C.A.R.T.) à Québec, complété à l’Université d’Ottawa.

La formation dans les grandes écoles que j’ai fréquentées en Amérique du Nord (ENAP et HARVARD BUSINESS SCHOOL notamment) prépare, il est vrai, même au Canada et aux Etats Unis d’Amérique, à de hautes fonctions, y compris dans la politique.

Rien que notre formation à l’ENAP du Québec à laquelle s’était limité mon compatriote Yacouba Jean Paul SOW qui lui, s’intéressait à la politique, lui a valu, dès son retour, d’être nommé Secrétaire d’Etat à la Fonction Publique sous le CSP1, et a terminé sa carrière à l’UNESCO.

J’ai, quant à moi, grâce à ma formation pluridisciplinaire, demandé et obtenu, tout en demeurant dans mon corps d’origine qu’est l’Administration Publique, d’être envoyé à la radio-télévision comme simple agent.

Ma formation reçue m’a permis, tout en continuant de préparer et présenter les informations en français à la radio, d’y monter une section d’information en Anglais que je préparais et présentais tous les dimanches avec mon ami Sam BAZIE, un journaliste né au Ghana où il avait acquis sa formation, qui travaillait à l’ambassade des USA.

Et ma principale préoccupation a été de mettre en place un service culturel où, au THEATRE RADIOPHONIQUE qui existait et qui ne produisait qu’en Français, les langues nationales officielles qu’étaient le DIOULA, le FULFULDE et la MOORE auraient une place de choix.

C’est ce service culturel qui a été érigé pendant la REVOLUTION en Ensemble Artistique de la Radiodiffusion Télévision du Burkina (EARTB), aujourd’hui appelé CENASA pour ce qui en reste.

Si cette politique avait fonctionné comme prévu, le Nigeria n’aurait jamais rattrapé, encore moins dépassé le Burkina concernant le cinéma.

ICF : Vous dites que ce projet n’a pas marché, pouvez-vous nous en dire plus ?

JS : A mon retour du Canada, et après avoir relancé le THEATRE RADIOPHONIQUE, j’ai passé quelques années à l’Institut Culturel Africain (ICA) à Dakar au Sénégal et à Lomé au Togo.
A mon retour en Haute Volta qui n’avait pas encore changé de nom, j’ai été approché par une «Boîte» privée, la Société africaine de cinéma (CINAFRIC), où j’ai travaillé en position de détachement de la fonction publique, entre 1982 et 1984.
La société CINAFRIC, la première société privée de production de films au Burkina, a été mise en place par un homme d’affaires, Martial OUEDRAOGO, qui avait de la vision, et comme j’avais la formation requise, j’ai été appelé à y travailler comme Directeur des productions, et j’y étais plutôt bien payé, environ 400 000 FCFA de salaire mensuel à l’époque (avant la dévaluation du FCFA).
Après la prise de pouvoir par Thomas SANKARA en 1984, j’ai approché ce dernier (nous nous connaissions et nous appréciions depuis le lycée Ouezzin Coulibaly) pour lui demander si l’idée d’un Ensemble artistique de la radio et de la télévision l’intéressait toujours, dont nous avions parlé pendant qu’il était Ministre. Il a répondu par l’affirmative.

Le projet n’a malheureusement pas marché.
J’avoue qu’en relançant SANKARA, devenu Président, j’avais à l’esprit ce qu’il avait lancé à la fin d’une conférence, avant de quitter le Gouvernement du Président Saye ZERBO : MALHEUR A CEUX QUI BAILLONNENT LEURS PEUPLES.
Mais, nous ne nous sommes pas entendus sur le contenu de ce que devait produire l’EARTB où chaque Ministère et grand service de l’Etat, incluant le Comité de Défense de la Révolution (CDR) pouvait commander des productions certes, et où l’EARTB pouvait initier ses propres productions qui pouvaient être critiques, et c’est là que nous ne nous sommes probablement pas entendus, et les fonds prévus pour le financement de l’EARTB, ont été détournés pour une autre utilisation.
Nous étions en 1986, et dans l’impossibilité de rencontrer le Président SANKARA pour que nous en débattions, j’ai préféré démissionner de l’Ensemble Artistique et demander une retraite anticipée à laquelle j’avais droit, après près de 17 années comme fonctionnaire, et j’ai quitté le Burkina Faso pour la Côte d’Ivoire.
Une fois là-bas, je me suis présenté aux autorités ivoiriennes compétentes et à l’Ambassade du Burkina Faso où le Chargé d’Affaire m’a proposé de prendre une carte consulaire que Ouagadougou lui aurait demandé par la suite de ne pas me donner.
Il a fallu la nomination de l’Ambassadeur Yéro BOLY, un Administrateur civil comme moi, auquel j’ai rendu une visite de courtoisie, pour que ladite carte consulaire me soit accordée.
Le même ambassadeur a été le contact entre le président SANKARA et moi, contact qui a abouti à une invitation que m’a lancée le Président pour que nous nous rencontrions à Ouagadougou pour nous réconcilier, un certain 2 octobre 1987.
La rencontre n’a malheureusement pas eu lieu bien que moi j’eusse effectué le déplacement, et l’ambassadeur et moi avons décidé de retenir avec le Président une autre date.

Et c’est d’un hôtel de Casablanca, où j’étais allé négocier avec le Maroc leur coproduction de mon film LE GROTTO, que j’ai appris par RFI ce qui se passait le 15 octobre à Ouagadougou.
Il faut dire donc que mon projet date de cette époque, et le Président SANKARA, avec lequel je me considère réconcilié, réflexion bien faite, était finalement d’accord que le projet soit exécuté comme je le prévoyais, lui qui avait déclaré en son temps, MALHEUR A CEUX QUI BAILLONNENT LEURS PEUPLES.

ICF : Justement venons-en à ce projet du numérique, de quoi s’agit t’il ?

JS : Pendant qu’on annonçait courant 1992 à Abidjan dans FRATERNITE MATIN que c’est CANAL HORIZON et le cinéaste burkinabè Jacob SOU qui étaient les deux seuls candidats pour la télévision privée en Côte d’Ivoire, je suis retourné au Burkina Faso où j’ai demandé et obtenu d’émettre en RADIO et TELEVISION ;
C’est ainsi que j’ai couvert, à titre de démonstrations, la SEMAINE NATIONALE DE LA CULTURE (SNC) et le SIAO cette année là.
J’ai ensuite commencé la radio à Koudougou pendant un an, et la télévision à Ouagadougou, avec vingt-cinq (25) journalistes et animateurs triés sur le volet sur un total de six cent (600) candidats pré-sectionnés à Bobo-Dioualsso et Ouagadougou.
J’ai déplacé ensuite la radio à Diébougou, et la télévision a continué d’émettre pendant cinq (5) ans à Ouagadougou, sans publicité, le projet tel que conçu n’ayant pas plu au plus haut lieu.
Mon idée était d’avoir la première télévision privée du Burkina (et de l’Afrique au moins francophone) réellement NON PARTISANE, comme l’exigeaient du reste aussi bien le code de déontologie de la profession que l’organe de régulation de la profession qu’était à lnépoque le Conseil Supérieur de l’Information (CSI).
De façon substantielle, le concept du projet est de doter chaque village d’un Centre Communautaire Multiservice et Multimédia (CCM), sorte de centres culturels, abritant chacun, entre autres services, trois (3) vidéo-clubs. Un pour les nouvelles nationales, régionales et locales en Français et dans les langues nationales et locales, un autre pour le sport local, national et international ainsi que les divertissements, et une troisième chaine pour la formation à distance en Français et en langues nationales.
Et dès la fin des années 90 et début 2000, j’ai présenté le projet aux ENGAGEMENTS NATIONAUX et à la Coopération Canadienne qui l’ont favorablement apprécié.
Le Secrétaire Permanant des ENGAGEMENTS NATIONAUX trouvait là l’occasion d’exécuter son projet « HUIT MILLE (8 000) villages, HUIT MILLE (8 000) téléviseurs ».

Autre particularité du projet, il a mis en place au Canada, une société dénommée JACOB SOU IMAGES CANADA Limitée (c’est comme çà qu’on appelle là-bas les Sarl) qui devait représenter, auprès de l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI), toutes les entreprises canadiennes ayant signé avec le Réseau Multi-Média Burkina (GIE), pour exécuter certaines parties du projet au Burkina, et coproduire avec les sociétés du réseau MULTI MEDIA AFRIC en constitution, et diffuser, des émissions à l’intention de la DIASPORA FRANCOPHONE D’AMERIQUE et des Africains y résidant.

Dès que les fréquences TV du GIE ont été retirées au Burkina, la société a été suspendue et pour cause.

ICF : Où en sommes-nous aujourd’hui avec ce projet ?

JS : Ma conviction profonde concernant l’indépendance d’un tel projet n’ayant guère varié, si l’on veut qu’il soit CREDIBLE et ouvert à tous, les fréquences nécessaires m’ont été accordées, mais retirées parce que les conventions signées avec le Conseil Supérieur de la Communication (CSC) prévoyaient que lesdites télévisions soient opérationnelles au plus tard un an après la signature des conventions, ce que je n’ai pas pu faire, comme les autres promoteurs.

En effet, aucun des promoteurs ayant signé en même temps que moi, juste pour une chaine chacun, n’a pu démarrer son unique chaine.
La seule chaine, BF1 pour ne pas la nommer, possédée pourtant par des supposés milliardaires, n’a pu démarrer que six (6) années plus tard, sans être jamais inquiétée.
Une de ces télévisions, que je ne nommerai pas, n’a pas encore pu vraiment démarrer au moment où je vous parle.
A l’issue de l’INSURRECTION, un décret gouvernemental autorisant tous ceux qui ont des problèmes (depuis 1960) avec l’Administration à envoyer leurs dossiers à une COMMISSION, je l’ai fait.
Peu avant les campagnes électorales législatives et présidentielles de 2020, un décret du même type a été promulgué et tous mes dossiers ont été examinés par le HCRUN.
Normalement, on devrait me restituer mes fréquences, et j’ai demandé à être dédommagé pour les préjudices subis, avec des dommages et intérêts conséquents.
J’espère qu’avec ceux qui sont au pouvoir actuellement, le projet voie le jour.
Et même si on ne parviendra pas à rattraper le temps perdu, je parie que si ce projet voit le jour, les jeunes burkinabè, avec toutes les opportunités d’emplois qu’il génèrera dès le départ, n’auront aucune raison de migrer ni pour la capitale, encore moins pour l’Occident.
Avec les recettes de ce projet, il pourra être possible d’investir dans d’autres domaines prévus par le GIE dans ses termes de référence (TDR), et donner du travail aux populations, surtout jeunes.
La particularité de ce projet est que l’argent pour le financer viendra majoritairement des partenaires.
Je pense notamment à la Banque Mondiale, au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), à l’Union Européenne (UE), à la Chine et aux Coopérations canadienne et française.

La Banque Mondiale, chef de file des bailleurs de fonds au Burkina par exemple, informée en son temps, m’a assuré, en présence du Président du Conseil Régional du Centre, du représentant du Conseil Régional des Cascades, du représentant de l’architecte ayant conçu les plans des sièges de mes activités, que le financement, quel que soit le montant et au vu de la nature du projet, serait disponible, si demandé par un PARTENARIAT PUBLIC PRIVE géré par le privé.
C’est dire que l’argent ne viendra pas des impôts du contribuable, mais le projet devra être accepté par l’Etat, et les coûts d,exécution budgétisés et annuellement votés par l’Assemblée Nationale.

ICF : En termes de finances comme vous l’évoquez, à combien évaluez-vous le financement de ce projet ?

JS : Les défis énormes de ce projet font que le budget est évalué à plus de 450 milliards de FCFA, la grande majorité de ce montant, soit 420 milliards, allant au financement de dix mille (10 000) centres communautaires à mettre en place dans tous les villages et quartiers non lotis des grandes villes du pays .
C’est un gros budget mais je pense que c’est une des meilleures fenêtres pour favoriser l’émergence du Burkina Faso pour lui permettre, entre autres, de réagir contre l’INSECURITE GALOPPANTE par le DEVELOPPEMET ECONOMIQUE.
Je crois qu’il verra le jour, parce j’ai demandé au Président de l’Assemblée Nationale et au Premier Ministre actuels de co-patronner le projet qui impliquera plusieurs ministères et si les deux hautes personnalités de l’exécutif et du parlement sont d’accords, je pense qu’il y a espoir, parce-qu’ ils sont très ouverts.
J’ai également les encouragements et le soutien, depuis le temps où il était ministre du gouvernement du Burkina, de madame Rosine COULIBALY/SORI, qui trouve le projet futuriste, et est prête à le co-parrainer.
Si le principe du financement est acquis auprès des bailleurs de fonds, il faudra, comme je l’ai dit plus haut, que ledit financement soit programmé pendant les cinq (5) années prévues pour son exécution, contrôlé et voté par l’Assemblée Nationale chaque année.
Le temps que les premiers financements nous parviennent, nous aurons besoin de fonds pour démarrer des activités du projet tels que la construction des premiers studios de doublage à Ouagadougou et Diébougou, et du siège à Ouagadougou, le doublage des films burkinabè déjà produits qui sont nombreux, de même que les pièces de théâtre professionnellement enregistrées qui existent, et la production de mes films possédant début d’exécution ou autorisations de tournages, dont certains coûteront ce que coûtent les films décrochant l,ETALON depuis plusieurs FESPACO.
A ce niveau, le Président de la Fédération Nationale du Cinéma et de l’Audiovisuel (FNCA), l’Administrateur du Carrefour International du Théâtre de Ouagadougou (CITO), le Directeur Général du Bureau Burkinabè du Droit d’Auteur (BBDA), et le Directeur Général du Fonds Burkinabè du Développement Economique et Social (FBDES) que j’ai approchés, sont tous d’accords que le projet est très pertinent,

ICF : Justement, qu’est-ce que ce projet pourra apporter au cinéma burkinabè quand on sait que nos films ne font plus tellement le poids au FESPACO ?

JS : La vérité est que le Burkina, pendant un moment, tout en incitant au niveau de l’Union Africaine les autres Etats à investir pour le cinéma (ce que certains ont commencé à faire), n’a pas encore osé faire le pas.
Ce qui, à mon humble avis, devrait changer avec l’actuel Président du Faso, et les cinéastes en sont conscients.
J’ai moi-même fait l’heureuse expérience avec lui bien avant qu’il ne s’implique en politique.
Pendant qu’il était Directeur Général de banque, il a accepté de sponsoriser mon film, LE GROTTO, quand j’ai eu l’occasion de lui expliquer les avantages du SPONSORING.
Plus récemment, quand nous sommes allés en délégation lui demander de donner un milliard (1 000 000 000) de FCFA (montant que moi j’avais trouvé ridicule pendant la réunion de la délégation) pour produire en prévision du cinquantième anniversaire du FESPACO, en réponse, le Président du Faso nous a dit que c’était un montant insignifiant.
Pour arriver à compétir au FESPACO et dans d’autres grands festivals, il faut mettre beaucoup de moyens dans la production de nos films, ce qui nous manque pour le moment
Nous devons reconquérir cette gloire perdue. Et comme je l’ai déjà dit, ce projet doit nous aider dans ce sens. Je vous assure que les gens n’auront plus envie de regarder les chaines étrangères. Et puis, il permettra de rapporter pleinement aux cinéastes.
En fait, il fut un temps où certains cinéastes se sont plaints au BBDA, au motif qu’ils reçoivent moins de droits que les artistes musiciens. Après explications, ils ont compris qu’en vérité, ce sont ces artistes qui rapportent plus parce qu’ils sont joués sur nos chaines. Par contre, il est très rare de voir nos films passer sur nos chaines.
D’où l’importance de ce projet qui fera la promotion aussi bien de notre musique que de nos films et pièces de théâtre, et coproduira les bons projets de films.
Ce n’est pas le talent qui manque à nos producteurs, réalisateurs, techniciens, comédiens et autres.

ICF : A ce propos, parlez-nous de votre filmographie et même de vos projets de films.

JS : En tant que producteur-réalisateur, j’ai une filmographie courte, tout simplement parce qu’à l’époque, ceux qui géraient les fonds pour le financement du cinéma ici, après s’être servis en premier, refusaient de le faire pour mes films. En réalité, le désaccord vient du fait que ces personnes voulaient que je commence ma production par des courts-métrages, chose que j’ai refusé, et en ai fait la démonstration avec mon premier long métrage intitulé « Histoire d’Orokia » en 1987, année de FESPACO, qui n’a pas été retenu pour la compétition par le Burkina.
Dieu faisant, le film, pourtant tourné en 16 mm, en Dioula, et non encore sous-titré en Français, présenté en INFORMATION, a remporté le prix de l’ACCT, l’ancêtre de la francophonie, avec 5 millions FCFA, pendant que l’ETALON n’était alors récompensé qu’avec deux (2) millions de FCFA.
Il a été récompensé à tous les festivals du monde passant les films africains, notamment à VUE D’AFRIQUE à Montréal au Canada où il a eu le GRAND PRIX.
Plus tard, mon deuxième long métrage « LE GROTTO », qui s’inspire de la pièce de théâtre « MONSIEUR TOGO GNINI » de l,Ivoirien BERNARD BILIN DADIE, que j’ai produit en Côte d’Ivoire et tourné au Burkina, en Côte d’Ivoire et au Togo, avec la contributions du Canada, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire comme producteurs, et une forte participation du privé burkinabè et plusieurs hôtels et entreprises internationales comme sponsors, a rencontré de nombreuses difficultés quand il est venu au FESPACO 91, en ce sens qu’on m’a dit que le Burkina avait suffisamment de films à ce FESPACO et qu’on ne pouvait l’accepter que si on le programmait pour le compte de la Côte d’Ivoire.
N’étant pas ivoirien, j’ai refusé et proposé qu’il soit plutôt inscrit, pour encourager la coproduction, sous « Burkina, Côte d’Ivoire et Sénégal ».
Ils l’ont malheureusement enregistré sous Côte d’voire et à mon insu, ce que n’a pas aimé la Côte d’Ivoire, et à juste titre, qui a exigé sans même me consulter, et sans tenir compte de la présence de Bernard DADIE au Festival, que le film soit retiré de la compétition.
Le film qui devrait dû être mon troisième long métrage, KOURITA, a obtenu une autorisation de tournage depuis 1991, autorisation que le Ministre de l’époque, scandalisé par le comportement de ses collaborateurs me concernant et en sa présence, a tenu à me donner pour que je sache que lui n’était pour rien en ce qui concerne le financement que je demandais et que je n’ai finalement pas obtenu.
Un des Directeurs chargés du cinéma, qui a remplacé le premier qui avait donné le ton et qui a continué à s’assurer que je ne bénéficierais jamais des fonds de l’Etat, pourtant un parent à plaisanterie, a même eu le toupet de me demander de leur cède les droits du film pour que l’Etat le produise.
KOURITA s’inspire du roman « L’AIGLE DE LA COLOMBE » de mon ami Adama ZAMPALEGRE, un compatriote travaillant alors au PNUD à Conakry où je me rendais souvent d’Abidjan où je résidais, pour négocier avec les autorités guinéennes leur contribution à la production du film LE GROTTO.
J’ai d’autres projets de films à plus petits budgets que je tournerai pendant que nous attendons les financements du projet.
Le grand défi pour moi, sans mettre de côté les festivals, sera de produire des films en quantité et en qualité, valables pour les festivals certes, mais dont le contenu contribuera à l’éducation des jeunes de tous niveaux, qui ignorent tout de la véritable citoyenneté burkinabè, au regard de leur comportement de tous les jours.
Aussi, je tournerai tous mes films en Français ou dans une langue nationale, et toujours doublés dans au moins les trois langues nationales officielles du pays.
Deux des premiers longs métrages (VIE DE BONNE et CHRONIQUE D’UNE SAISON AFRICAINE) seront tournés en deux versions originales française et dioula.
VIE DE BONNE, par exemple, sera doublé par la suite en une dizaine de langues du Burkina et de Côte d’Ivoire où il sera tourné.

ICF : Nous sommes au terme de notre entretien, quel est votre mot de fin ?

JS : Mon mot de fin, c’est de vous dire merci pour cette considération à mon égard. Aussi, je tiens à vous féliciter pour le travail abattu au profit de la culture, et que vous continuez d’abattre.

Interview réalisée par Boukari OUEDRAOGO

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