Comment est né Volta JAZZ ?
« Le Volta Jazz est né des cendres de Tropic Jazz… »
Incontestablement l’histoire de la musique burkinabè moderne semble liée à la pénétration des Blancs dans la Haute-Volta. L’avènement de l’indépendance a été quasi unanimement vécue comme une libération et célébrée avec allégresse. Les réjouissances populaires qui marquèrent les indépendances auguraient d’une Afrique où la musique rythmerait la vie des populations. C’est donc dans cette période post-indépendance que naîtront les orchestres sur l’ensemble du territoire.
A Bobo-Dioulasso, verra le jour TROPIC JAZZ, créé par un expatrié Blanc venu en Afrique pour faire fortune. Cet orchestre regroupait les meilleurs musiciens de diverses nationalités auquel appartenait Idrissa KONE, un ancien combattant ayant servi dans le Fouta (Guinée Conakry) et le Sénégal.
Comme cela pourrait paraître simple, l’histoire de VOLTA JAZZ- cet orchestre qui produisait des musiques les plus fascinantes du continent autour des années 60 à Bobo-Dioulasso- est palpitante et riche de péripéties… Autour années 60, notre ancien combattant, rentre au pays. Sa formation de technicien d’auto école au Sénégal lui permis d’installer la toute première auto école dans la ville (BOBO-DIOULASSO AUTO ÉCOLE). A côté, l’homme était musicien et était membre de TROPIC JAZZ.
Cet orchestre, se souvient Idrissa KONE, aurait endiablé les nuits des noctambules de la ville. Mais les choses vont vite mal tourner. Jean Bordas, constatant que son business ne florissait pas à souhait décide de prendre la destination d’Abidjan pour faire prospérer ses affaires. Ainsi vendra t-il son matériel à Idrissa KONE à 750 000 FCFA. Le groupe sera rebaptisé VOLTA JAZZ. C’était en 1964. Volta Jazz est donc né des cendres de Tropic Jazz.
Mais à en croire un autre membre du groupe, TROPIC JAZZ n’a pas survécu suite à une affaire presque banale. Jean Bordas aurait quitté Bobo-Dioulasso parce que l’homme ne pouvait plus supporter la séparation d’avec sa femme, qui se serait amourachée d’un musicien Congolais de passage à Bobo-Dioulasso et serait partie avec elle. Que des souvenirs que ces anciens ont passé le temps à nous égrener…
QUELS SOUVENIRS AVEZ-VOUS DE VOLTA JAZZ ?
« L’Art ne meurt jamais !»
Le Burkina Faso post-independance était marqué par une floraison d’orchestres. Un peu partout naissaient des groupes musicaux. A Ouagadougou, Harmonie Voltaique occupait le haut du pavé à côté de d’autres. A Bobo-Dioulasso, le VOLTA JAZZ n’aurait d’égal car les musiciens qui le composaient étaient rompus à la musique. Brahima Traoré (cloué par l’âge et la maladie) se rappelle ses prouesses artistiques. Il fut le premier à jouer le Balafon à 23 lames. Lors de ses prestations, pluryintrumentiste, Boureima Traoré électrisait le public par sa dextérité au point de forcer l’admiration de bien de musiciens de renommée africaine ( Demba Camara du Bembaya JAZZ, Rochereau…). Le Vota Jazz à remporté de nombreux prix à Ouagadougou et ses membres encore vivant ont reçu plusieurs distinctions. Des Kunde d’honneur, des médailles…
« Si vieillesse pouvait… »
Le regard fixé sur ses doigts frêles autrefois magiques, Brahima Traoré, avec une voix presque étouffée, nous laissait transparaître son désespoir « je veux encore jouer mais ni la force, ni le réflexe, j’en ai encore. Que le temps ronge l’homme… ». Aujourd’hui malade, ce rare musicien encore vivant se contente d’écouter les anciennes chansons du groupe et regarder quelques photos remises au goût du jour par Florent Mazzoleni (Producteur français et auteur du livre publié en 2015 « Burkina Faso, musique moderne voltaïque »).
Quant au fondateur du groupe, Idrissa Koné, malgré le poids de l’âge reste très enthousiaste. Se remontant des belles aventures de l’orchestre, l’homme reste convaincu que « l’art ne meurt jamais ». C’est la raison pour laquelle il encourage les jeunes à s’adonner à l’art car dit-il contribue à l’épanouissement de l’être.
POURQUOI LES ORCHESTRES ONT DISPARU LES UNS APRÈS LES AUTRES ?
« La Révolution à précipité la mort des orchestres… »
Vint la Révolution du Capitaine Thomas Sankara. La politique des révolutionnaires de populariser l’art et de le rapprocher davantage au citoyen lambda à eu des conséquences néfastes pour les groupes. En plafonnant les prix d’entrée à 150 F, 200 F ( quelques trousse de mémoire. ..) le fondateur de Vota Jazz pense que la Révolution à précipité la « mort » des orchestres, car constate t-il avec amertume que les orchestres ne pouvaient payer les musiciens. Ainsi, sur l’ensemble du pays, les groupes musicaux mettront la clé sous le paillasson les uns après les autres.
QUE PENSE T-IL DE LA MUSIQUE FAITE PAR LES JEUNES ?
« les jeunes artistes évoluent individuellement. .. »
Aujourd’hui, les jeunes bénéficient de nombreuses opportunités et facilités contrairement à notre génération. Nous enregistrions à l’époque à la Radio Bobo avec un seul micro pour tout l’orchestre ( les disques 45 T). Les jeunes artistes ont désormais des studios de qualité et des homes studios. Avec le système de programmation, la musique est devenue facile. Selon le fondateur de Vota Jazz, il faut apprécier chaque génération en tenant compte des réalités qui sont les leurs au risque de faire un mauvais jugement. Certains artistes chantent bien mais leur musique manquent d’âme et de consistance. La plupart des musiciens évoluent individuellement et ne songent pas à créer des orchestres. Par égoïsme ? La star mania ? Les égos insurmontables ? Se demande l’octogénaire . Il exhorte donc les artistes à qui ils ont donné le flambeau de puiser dans leur terroir des rythmes qui donneraient à leur création une particularité, surtout des orchestres musicaux.
QUEL HÉRITAGE À T-IL LÉGUÉ À LA GÉNÉRATION ACTUELLE ?
« Le Vota Jazz nous a inspiré quand nous étions jeunes. », Bil Aka Kora
Le Volta Jazz à sillonné toutes les provinces de la Haute-Volta. Avec des chanteurs emblématiques comme Tidiane Coulibaly, Georges Ouedraogo, le mythique groupe de Bobo-Dioulasso, généreux en émotions, a impacté grandement la vie culturelle du pays. A l’image de nombreux orchestres ( Harmonie Voltaïque, Échos Del Africa, Sourou Jazz, Tenko Jazz, Dynamic Jazz, etc.) ont été des foyers de formation pour les jeunes musiciens. Certes la plupart n’ont survécu au temps pour plusieurs raisons, mais ils ont constitué la sève nourricière des jeunes générations.
Bil Aka Kora ne tarie d’éloges à l’égard dudit orchestre: « Le Volta Jazz fait partie de la période dite des orchestres. Ils ont inspiré abondamment lors de leurs tournées dans les provinces quand nous étions plus jeunes. » « Certes, j’ai pas connu ce groupe musical, parce qu’ayant fait mon enfance en Côte d’Ivoire, mais je m’inspire beaucoup du folklore et m’intéresse beaucoup à leur musique comme source d’inspiration. », soutient Alif Naaba.
La musique voltaïque avait droit de citer dans la sous-région ouest africaine tant de grands musiciens ont éclaboussé cette période par leurs talents. Aujourd’hui, les orchestres ont cédé place au vedettariat et la musique de programmation.
QUELQUES INFORMATIONS UTILES
Le studio de photos VOLTA PHOTO
Parallèlement, le fondateur de Volta Jazz à mis sur pieds le studio de photos VOLTA PHOTO, dirigé par Sanlé SORY. C’était le photographe de premier plan du groupe. La plupart des photos du groupe portent sa signature. Récemment il fait une exposition photos sur le passé glorieux des orchestres de Bobo-Dioulasso « BOBO YEYE ».
Surnommé « l’œil des années Yé-yé à Bobo », SORY Sanlé est une mémoire vivante du parcours de cet orchestre. Son catalogue retrace éloquemment les différentes étapes de VOLTA JAZZ.
Composition du groupe VOLTA JAZZ
( Extrait de Auguste Ferdinand Kaboret et Oger Kaboré, Histoire de la musique moderne du Burkina Faso, éd. Edipap, 2005.)
Drissa Koné Fondateur
Dieudonné Koudougou: Guitare solo
Boureima Traoré: Guitare accompagnement
Tidjane Coulibaly: Chant
Antoine Dalbin: Chant
Siaka Ouattara Elvis: Chant
Michel Traoré: Chant
Saïdou Sanou: Chant
Abou Traoré: Trompette
Moustapha Maïga: Saxophone
Christophe Adahï: Trompette
Georges Ouédraogo: Tumba
André Paré: Batterie
Kotalama Sanou: Contre-basse
Dominique Valéa: Chant
Amadou Bah Flatié: Batterie
Reportage de Youssef Ouedraogo et Nicolas Niarchos ( journaliste à New Yorker)